Depuis quelques années, je constate que le design français se retrouve de plus en plus dans les domaines de la recherche à tel point qu’il est devenu – pour certains – un domaine de la recherche à part entière. J’ai moi-même pu expérimenter cela pendant deux ans en tant que chercheur en design au laboratoire de recherche EnsadLab. Aujourd’hui, je vois naître avec curiosité des jeunes thésards en design, un doctorat sous le bras et des publications plein la tête (parce que oui, pour être chercheur, il faut publier, c’est comme ça). Cela me questionne beaucoup puisque le design a toujours été un domaine lié à la recherche et un domaine de recherche à part entière mais j’ai l’impression que l’on redécouvre cela en ce moment, en France. De même, j’ai au fond de moi, la crainte de voir naître des chercheurs en design qui ne sont pas designers et qui ne savent pas concevoir. Paradoxe ? Parce que oui, dans le design, il faut faire.

Dans la continuité de cette réflexion, j’apprends que la vingt-deuxième édition de la (génialissime) revue Graphisme en France est parue, publiée par le (génialissime) CNAP, le Centre national des arts plastiques dont j’ai plaisir à vous parler régulièrement. La thématique de ce 22e ouvrage aborde la question de la recherche dans les champs du design graphique et de la typographie. Au travers des 115 pages se croisent les contributions inédites de chercheurs avec un regard transversal, des écoles d’art aux pratiques des professionnels du design.

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On retrouve donc les écrits d’Éloïsa Perez, designer et doctorante qui dresse un panorama de la recherche en France, d’Alice Twemlow, auteur et enseignante qui se tourne vers les projets menés à l’étranger ou encore Catherine Guiral, Annick Lantenois, Gilles Rouffineau, Sébastien Morlighem ou encore Catherine de Smet.

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Graphisme en France

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Dans l’ouvrage, on appréciera découvrir (et comprendre ?) les liens entre les écoles, les praticiens du design, l’histoire du design et aussi les perspectives de la recherche en design. Cela me rassure sur la richesse et le foisonnement des idées et pourtant ne cesse de me questionner sur l’avenir du métier de designer. Bien-sûr, en France, on ne peut plus vraiment former des designers qui ne feraient que de reproduire des tâches déjà automatisées ou hélas dévalorisées. Et pourtant, est-ce qu’un chercheur en design peut se passer de concevoir ? Est-ce que la recherche en design est un regard auto-centré (des chercheurs en design qui étudient la recherche en design…) ou alors est-ce qu’elle est le meilleur ami du designer, comme un complément indispensable à sa pratique ? Autant de questions que je me pose.

Bonne lecture !




3 commentaires

  1. Bonsoir,

    J’ai moi aussi découvert que le design en tant que discipline était aussi un pan très riche de la recherche « académique ». En effet, lors de mes deux années de DSAA Design Produit, surtout en deuxième année, je me suis posé la question de savoir si il y avait, ou avait eu des démarches, des mouvements pour la recherche en design.

    Mon arrivée aux Arts & Métiers en Master 2 m’a apporté la réponse. Grosso modo, ça fait presque 50 ans que le design est rentré comme sujet d’étude dans les revues académiques et scientifiques internationales (merci Donald Norman).

    En me penchant donc sur ce qui a déjà été fait, je m’aperçois de plusieurs choses:

    En effet, cette dynamique de recherche paraît parfois auto-centrée, très axée sur le « comment faire pour faire » et non sur le « faire » directement. D’un côté c’est une bonne chose. Des tas de gens consciencieux ont élaboré des outils et méthodes pour concevoir de manière optimale. Je me base sur la conception de produits puisque c’est mon domaine, et c’est forcément très lié au monde de l’industrie, la production de masse. Toutes ces recherches sont très poussées, et proposent des « règles », des suggestions à travers des expérimentations, des cas réels.

    C’est une autre chose que j’ai apprise, ces recherches sont toutes basées sur de vraies expérimentations. C’est bête mais quand on (néophytes) entend « recherche », on ne pense pas généralement à des mises en applications. C’est donc rassurant, la recherche n’est pas totalement auto-centrée. Ceci dit, ces expérimentations sont menées sur le long terme (le temps d’une thèse, d’un doctorat), et les effets des applications sont difficiles à percevoir. Or, il y a désormais tout un tas de champs de la recherche en design qui correspondent à de vraies disciplines contemporaines: UX design, UI; ces deux domaines sont en fait déjà largement mises sur le papier depuis des années, alors qu’en tant qu’étudiant en école de design/d’art, on n’est pas forcément au courant que ces disciplines sont théorisées de la sorte. Pour moi, jusqu’à peu, il s’agissait de termes tendances, pour des disciplines qui se cherchaient. Pas du tout.

    C’est donc rassurant de voir ces « archives », de se dire que le design n’est pas « fragile », sans héritage académique.
    Ce que je regrette seulement, c’est sans doute qu’il faille en arriver jusqu’à ce niveau d’études pour le savoir. Ne serait-ce que de sensibiliser les étudiants à la recherche en design serait intéressant. Ca donnerait de la perspective.
    Mais il faut aussi que le design garde son identité créatrice et innovante, sans doute plus que scientifique et rationalisée. Car c’est enfin le dernier défaut que je vois à la recherche en design. A force de trop théoriser, on risque de passer peu de temps à l’atelier à poncer du bois, de la mousse, ou sur son bureau, à dessiner, à maquetter, bref, à créer spontanément.

    1. Alexandre, c’est passionnant ce que tu précises là, je partage également ton avis, c’est rassurant de se dire que le design peut compter et reposer sur une épaisseur historique et académique !

  2. Bonjour Geoffrey, merci pour le partage. Je n’ai pas encore lu cet ouvrage sûrement passionnant mais un zéro pointé sur sa mise en page… ce qui est quand même un comble vu le sujet.


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