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Hello à tous !

Je me fais le relais de cet intéressant article de Télérama qui nous informe que « les graphistes français n’en peuvent plus du manque de considération à leur égard ». Loin d’être une réalité générale, l’article décrit une situation que je côtoie parfois, que je comprends surtout et une vision graphiste-centrée qui en réalité, est le reflet d’une situation bien plus globale (désengagement de l’État, dévalorisation des professions créatives, contexte mondial et économique, etc.

Introduction de l’article

« Tout est parti d’une affiche. Celle de la dernière Fête de la musique, pour laquelle des graphistes ont travaillé dans des conditions « inacceptables » et qui a finalement été confiée à une agence de communication. S’en est suivi un texte, signé par près de 1 600 personnes, dénonçant les conditions dans lesquelles se déroule la commande publique en France et, plus généralement, l’absence de considération du graphisme dans notre pays, alors que 35 à 50 000 professionnels pratiquent ce métier. Que se passe-t-il exactement ? Quatre graphistes expliquent pourquoi ils n’en peuvent plus. » […]

Quelques citations de l’article

« Il n’y a aucune culture graphique dans ce pays, estime Vincent Perrottet. On n’apprend jamais à décoder les signes et les images. Toutes celles qui sont posées dans l’espace public sont indécodables, incriticables, car non cultivées ».

[…]

De plus en plus, ceux qui avaient une formation artistique « sont remplacés par des personnes parlant stratégie, business, images sexy… », raconte un graphiste que nous appellerons Dr Pomme.

[…]

« Il y a quatre ou cinq ans, raconte Pierre Bernard, le Louvre m’a contacté pour revoir son identité graphique. On s’est fâchés assez vite. Ils voulaient que je fasse des affiches à la con, en appliquant des méthodes marketing que je ne supportais pas. Or, pour moi, le Louvre devrait être à l’avant-garde de l’expression de masse. »

[…]

« Sur les affiches, on n’ose plus rien, ajoute le Dr Pomme. Au Théâtre d’Orléans, les images disparaissent au profit d’une typographie destinée à faire passer le message en gros. C’est de la déco. »

[…]

 « Tout comme dans le public, certains responsables privés sont très intelligents dans leur demande. L’intelligence ou le manque de culture sont répartis de façon égale des deux côtés. »

[…]

« On nous propose parfois 500 euros pour une étude d’identité graphique qui va au minimum prendre dix jours, explique Vincent Perrottet. A des gens qui ont fait cinq années d’études minimum, complétées de formation post-diplômes et de stages à l’étranger, on demande de travailler quasiment pour rien, ou à des prix inférieurs au montant horaire payé en usine. »

[…]

« La situation ne peut plus durer, martèle Pierre Bernard. Il nous faut maintenant nous adresser au plus haut niveau. Convaincre que le design graphique est une donnée importante de la culture, et qu’il faut en défendre une vision progressiste. Pour l’instant, on ne nous a pas répondu. Seule la ville de Rennes, il y a trois semaines, nous a dit qu’elle allait porter un regard bienveillant sur notre affaire. Mais au niveau du ministère de la Culture, nous ne sommes pas encore compris. »

[…]

« Nous avions fait adopter une charte des marchés publics en 2012, explique-t-il,mais avec la nouvelle équipe, paf ! Nous repartons de zéro. Il n’existe aucune vision du design dans les services. Ce qui est en contradiction avec les discours de la ministre sur l’importance de se doter d’une vision politique du design. »

Dans cet article, je regrette beaucoup l’anonymisation de la prise de parole (en dehors de Vincent Perrottet, François Caspar et Pierre Bernard) de ces graphistes qui s’expriment. Pourquoi dénoncer de façon anonyme ? On remarque également qu’un esprit « Mai 68«   flotte encore beaucoup sur le graphisme en France. Ce bel esprit idéaliste et cependant passé a du mal à coller à la réalité économique, culturelle et à la diversité de la France également. Cet esprit ne doit pas influencer la prise de position de ce ras-le-bol ni discréditer ce discours. Cependant, je suis ravi de me dire que des lecteurs de Télérama pourront peut-être être sensibilisés à la question du graphisme, de sa posture, de son importance.

Enfin, les graphistes sont capables, largement capables, de communiquer, d’influencer, de revendiquer, d’afficher dans la rue, de se manifester, d’initier des alternatives, des mouvements, de créer des outils qui viendront sensibiliser la France au graphisme et à la situation du graphiste. J’ai donc grand hâte de voir ce « grondement » apparaître sous mes yeux, dans la rue, sur mon écran et pourquoi pas dans l’assemblée ?

Lire l’intégralité de l’article sur Télérama ! 🙂




14 commentaires

  1. Je rejoindrais un commentaire de Julien Moya sur twitter : « Les AONR, le salariat déguisé, le crowdsourcing, ce sont des raisons de se plaindre comme le ferait tout travailleur, ça serait compris. »

    Commencer par faire respecter le droit du travail et du commerce, c’est un vrai angle d’attaque ! Au lieu de se plaindre d’être mal considéré et de faire son Calimero.

  2. Merci mille fois M. Dorne,
    Enfin une réaction réellement intéressante et réfléchie (souvent les intervention sur ce sujet ont été bien trop sanguines et peu nuancées) de quelqu’un « du milieu » sur cet article de Télérama

    « Dans cet article, je regrette beaucoup l’anonymisation de la prise de parole »

    « Ce bel esprit idéaliste et cependant passé a du mal à coller à la réalité économique, culturelle et à la diversité de la France également. »

    « Cet esprit ne doit pas influencer la prise de position de ce ras-le-bol ni discréditer ce discours. »

    « J’ai donc grand hâte de voir ce « grondement » apparaître sous mes yeux, dans la rue, sur mon écran et pourquoi pas dans l’assemblée ? »

    Ces quatre phrases de votre plume résument exactement tout ce qui se bouscule dans ma tête face à ce phénomène…

  3. Ce qui me gêne dans l’article (outre le fait que la colère de ces graphistes passent à côté de problématiques importantes comme le crowdsourcing) c’est l’opposition « graphiste culturel » VS le reste du monde. Bosser dans le marketing, la comm, la pub, ce n’est pas sale ! Ce pseudo éltisime d’une certaine frange des designers a le don de m’horripiler ! On est pas prêt de fédérer les créatifs de tous bords autour de causes communes…

  4. Les revendications sur les conditions de travail et de salaire sont une chose, mais l’indignation artistique… ma foi, les peintres de fresques religieuses devaient se dire la même chose au sujet de l’évêque qui ne voulait que des allégories faciles alors que la grâce de Dieu se transmet avec la poursuite d’un Idéal.
    On a tous nos petits desiderata 🙂

  5. J’ajouterai même que plusieurs graphistes en manques de revenue se sont tournés vers internet pour avoir des contrats même à court terme. Le problème reste pareil , les boites préferent travailler avec des personnes hors Europe pour un moindre coût.

  6. Vu de Suisse, dont je suis originaire, il est vrai que cet article de Télérama parait un peu drôle. En effet, je ressens plutôt l’inverse de ce que décrit Vincent Perrottet, à savoir une tradition graphique développée dans les années 60 très forte, omniprésente et franchement écrasante.
    Si les motifs économiques sont les mêmes en Suisse qu’en France, avec peut-être la reconnaissance en plus du métier de graphiste en tant que tel, les motifs culturels sont franchement différents, inverse, même. Et c’est ce que je trouve drôle. J’aimerai bien avoir une touche « Mai 68 » dans l’esprit très « art concret » suisse !

  7. Moi-même travaillant dans le milieu du graphisme (vidéo 3D), je ne peux pas m’empêcher de réagir sur cette article, et surtout sur les citations qu’on y retrouve. On y trouve des gens passionnés par leur métier avec une vision, et probablement une connaissance, très pointue de ce qu’ils font. Leur problème, à mon avis, c’est qu’ils pensent que tout le monde y attache autant d’importance qu’eux, et c’est là que le bât blesse, à par eux, tout le monde s’en fout. Les gens qui passent devant une affiche n’y accordent pas plus qu’un seconde et ne vont certainement pas s’extasier devant sa qualité ou quoi. Ils voient le message convié, et que ce soit bien fait ou pas, ça leur passe au-dessus. Je vois ça tous les jours avec des pubs 3D dégueus qui passent à la télé, quand je demande leur avis générale aux gens, ils me disent « bah oui c’était pas mal, sans doute », ils ne sont même pas capables de faire la différence entre une pub à 300€ et une pub à 30K€. Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est un métier sans importance, c’est pas un life-changer, vous allez pas avoir une révélation en passant devant une affiche, ou en regardant une charte graphique, ou des logos. Que ce soit bien fait ou pas importe peu, on sauve pas des vies, on fait pas rêver les gens comme au ciné, on construit pas des maisons. Qu’on existe ou pas, ça ne changerait globalement pas grand chose à la vie de madame Michu, donc non, vous n’aurez jamais de considération, sauf celle que vos clients veulent bien vous accorder. Certains clients vous accordent de l’importance en fonction de ce qu’ils pensent retirer d’une collaboration avec vous, du chiffre qu’ils pensent produire grâce à vous. Et c’est là la clé de votre succès/bien-être/carrière, arrêtez de vous plaindre et changez de clients, et si vous ne pouvez pas, et bien vous avez les clients que vous méritez, alors peut-être songez à vous reconvertir.

  8. Bonjour,

    A mon avis le grand problème est avant tout économique (je pense au crowdsourcing et à la difficulté à se faire correctement payer). Quand ce problème sera résolu, le reste suivra, on nous écoutera et on nous prendra au sérieux, y compris sur l’aspect culturel.

    Il faut donc apprendre à être plus ferme dans la négociation et ne pas travailler gratuitement (même quand on est jeune, ça ne sert à rien qu’à nous tirer vers le bas. Et puis, si c’est juste pour remplir votre book, vous êtes quand même capables de faire des fausses créas sans l’aide de personne !). Sans doute plus facile à dire qu’à faire, mais nous menons un combat, pas une promenade de santé.

    Pour ce qui est du travail fait à l’étranger, je ne suis pas bien informé sur la question. Quelqu’un a-t-il des donnée fiables sur ce point ? Les entreprises confient-elles réellement leur communication visuelle à des sous-traitants dans d’autres pays ?

    Enfin, je pense que nous n’avons pas encore assez bien compris à quel point nous jouons un rôle de premier ordre dans le paysage économique : bien des entreprises peuvent nous remercier de contribuer à développer leur CA, et en période de crise, contrairement à ce qu’on nous fait croire, notre rôle est encore plus important, car une entreprise qui cesse de communiquer se met en danger : donc nous leur rendons un immense service en leur proposant notre qualité et notre valeur ajoutée en période de crise (on devrait même se faire payer plus cher pour leur avoir évité de mettre la clé sous la porte). Retirez sa feuille de style CSS à un site marchand et analysez son CA un an après. Alors, à votre avis en hausse ou en baisse ?

    Vous voyez, non seulement ce n’est pas mal de penser marketing et retour sur investissement, mais c’est même notre meilleure arme pour prouver à quel point nous créons de la valeur et méritons à ce titre la rémunération et la considération qui vont avec.

    Pour finir, Biazed dit qu’on a les clients qu’on mérite, alors pensons à toujours proposer le meilleur niveau de qualité, pour ne pas être pris pour un graphiste du dimanche (cette espèce qui nous fait tant de mal et qui existe bel et bien).


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