Vous le savez, les histoires de budgets dans le graphisme sont toujours complexes et sujettes à polémique. Quand certains sont choqués de découvrir qu’on peut acheter un logo à 5€ sur Internet, d’autres le sont également lorsqu’ils voient qu’une charte graphique peut coûter plusieurs dizaines (centaines) de milliers d’euros (et encore…). Quel est le prix d’une identité visuelle ? D’un logo ? Il y a énormément d’articles sur le web qui tentent de répondre à ça et on retrouve tous les ans les incantations vaudoux de certains pour deviner le prix d’un flyer ou du graphisme d’un t-shirt. En réalité, chaque charte, chaque logo, chaque création visuelle correspond à un prix pratiquement différent à chaque fois (il y a énormément de critères à cela).
Bref, ce sujet est encore plus délicat lorsqu’il s’agit de commandes gouvernementales puisqu’il s’agit d’argent publique et que, très vite, lorsque les citoyens ont accès aux montants de certaines dépenses publiques, cela questionne… et moi le premier (même si je vous avoue volontiers que je n’y connais rien en politique et en dépenses publiques). Récemment, je consultais le site data.gouv.fr, un site qui recense énormément de données publiques en open data, comprenez, des données ouvertes pour tout le monde et afin que chacun puisse se les approprier. Je me suis alors arrêté sur la liste des marchés conclus par le gouvernement français en 2013. De là, j’ai ensuite atterri sur un tableau Excel de plus de 14 000 lignes dans lequel instinctivement j’ai cherché « logo », « charte graphique », « design », « affiche », etc.
Dans ce tableau sont mentionnés les commandes et les budgets de commandes publiques de différents ministères, comme le Ministère de la Défense, celui de la Culture et de la Communication, les Chambres de Commerce et d’Industrie, les Services du Premiers Ministre, j’en passe. Voici donc quelques exemples de budgets consacrés à des commandes publiques en matière de design (graphique pour la plupart). Dans la petite liste ci-dessous, j’ai volontairement évacué le nom de chaque commanditaire (SQLI, Spintank, Upian pour les agences plus connues ou encore Orseu, Ohwee, Lumideco et d’autres noms que je ne connaissais pas) pour me concentrer sur les dépenses mais sachez que les noms figurent tous dans le document dont certaines agences qui vous seront familières. Evidemment, le but n’est absolument pas de dire qu’une agence a été trop payée ou au contraire pas assez, ce sont des dépenses publiques, pas des arnaques et on n’a absolument pas connaissance du détails des projets, de chaque réalisation qui a été produite, etc. et, personnellement, je me garderai bien d’en juger.
La position du graphisme dans le Gouvernement ?
Combien le Gouvernement paye-t-il pour son design ?
- Le CCI a fait réaliser la charte graphique de l’école de Management de Grenoble pour 45 000€
- Le CCI a commandé une mission de conseil ainsi qu’un logo et une charte pour la nouvelle identité visuelle du site « Bourse de l’alternance » pour 25 000€
- Le CCI a commandé des bannières flash et GIF pour 11 000€
- Le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a commandé des enveloppes pré-imprimées avec deux logo pour 70 000€
- Le Ministère de la Défense a commandé des monographies pour les sociétés de défense pour 127 185€
- Le Ministère de la Défense a commandé 4 autres monographies pour des usagers de bibliothèques, les montants ne sont pas précisés mais chaque marché était entre 4000 et 19 999€
- Le Ministère de la Défense a fait réaliser des infographies au profit de « Terre Information Magazine » et du site internet et intranet de l’armée de terre pour 150 640€
- Le Ministère de la Défense a fait réaliser la conception et le graphisme de son site internet pour 129 000€
- Le Ministère de l’Egalité des Territoires et du Logement et le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable ont fait réaliser la conception graphique de panneaux types pour la signalétique d’animations touristiques dans l’Hérault pour 3950€
- Le Ministère de l’Egalité des Territoires et du Logement et le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable ont fait réaliser le mobilier et les supports graphiques de la Maison du Parc de Pralognan la Vanoise (très sympa au passage) pour 52 300€
- Le Ministère des Affaires Etrangères a fait réaliser le graphisme, le passage en responsive design, la migration sous SPIP 3 (lol) le site internet des Postes diplomatiques pour 78 250€
- Le Ministère du Travail a fait réaliser une monographie « Emplois d’avenir » pour 49 400€
- Le Ministère du Travail a fait réaliser une monographie sur les « Contrats de sécurisation professionnelle » pour 58 000€
- Le Ministère de l’Education Nationale a fait réaliser du graphisme, webdesign et ergonomie pour 500 000€
- Le Ministère de l’Education Nationale a fait réaliser du graphisme, webdesign et ergonomie pour 600 000€
- Le Ministère de l’Economie et des Finances a fait réaliser le graphisme et la conception du site web du bureau SEP 1A pour 89 999€
- Le Ministère de la santé, du travail, de la jeunesse et des sports a commandé des infographies et du multimédia pour l’ARS Bretagne pour 120 000€
- Les Services du Premier ministre ont commandé des illustrations pour un site Internet pour 30 000€
Cette liste est bien entendue un petit extrait des 14 000 lignes du document. C’est également un extrait daté puisqu’elle date de 2013. Cependant, je reste naïvement bouche-bée devant des montants qui avoisinent 600 000€ pour un site Internet ou 11 0000€ pour des bannières flash ou encore 150 000€ pour des infographies. Que justifie un tel prix ? Ce serait vraiment intéressant que ce tableau fasse le détails des projets afin de savoir quelles sont les réalisations graphiques produites. Dommage qu’on ne puisse pas y accéder directement depuis le document (je vous laisse faire vos recherches si vous voulez). Evidemment, j’imagine que ces prestations graphiques sont de bonne qualité, que ce sont des sites indispensables, des infographies avec un impact social fort, des illustrations magnifiques. Vous y croyez ? Moi hélas, j’en doute même si je ne demande qu’à être surpris. J’ai par ailleurs souvent vu que des entreprises ou Ministères payaient parfois 10 fois le prix d’une prestation tout simplement pour avoir de grosses dépenses et prétendre ensuite à un important budget les années suivantes. Il semblerait donc que si l’on a un appétit d’oiseau, l’on obtiendra que les miettes de ce gros gâteaux que sont les dépenses publiques. Difficile de tirer des conclusions de ces budgets donc mais l’ordre de grandeur est là, c’est intéressant.
Le Gouvernement paye-t-il son design trop cher ? Se fait-il avoir ? Est-ce que ce sont des dépenses tout à fait correctes puisqu’elles sont pour un client assez particulier qui peut peut-être avoir toutes les exigences possibles et inimaginables ? Est-ce que ces budgets sont normaux ou même faibles et que c’est la qualité de ce qui est produit qui serait à réévaluer ? Autant de questions auxquelles je cherche encore des réponses… Si vous en avez, je suis preneur !
Effectivement Pantagruélique ! Je reste 0_° également…
Et sinon concrètement à part balancer des accusations sur la base d’un titre de projet et d’un montant sans contexte et des noms d’agence qui n’ont rien demandées et qui sont mélangées on ne sait pas trop pourquoi à cette attaque, il y a quelque chose de basé sur autre chose que du vent dans cet article ? Est-ce que pour trouver des réponses comme vous dites, le mieux n’aurait pas été de regarder en détail au minimum UN SEUL de ces projets qui vous paraissent surpayés ? Parce que là c’est quand même très proche de la diffamation.
Hello Charly, je précise dans l’article que je suis juste tombé sur ce tableau, j’ai regardé les montants, les agences et les intitulés des projets. Je ne dit pas « whaou le Ministère du Sport a payé l’agence bidule autant de milliers d’euros pour ce flyer là ». J’essaye juste de lister les projets et combien ça coûte en face pour avoir un ordre de grandeur. Je ne connaissais absolument pas les montants que le Gouvernement pouvait mettre dans ses projets graphiques & web, cela donne un aperçu intéressant je trouve.
Bonjour,
C’est comme le papier toilette au gouvernement. Ils font un appel d’offre, ils doivent recevoir des offres allant de 10 à 15€ le rouleau (au pif) alors qu’un rouleau dans la grande distribution coûte moins d’1€.
A vous de créer une entreprise qui répondra aux appels d’offre du gouvernement avec des prix cassés. Aucune n’a osé le faire vu la poule aux oeufs d’or ^^
Julien
Certains chiffres peuvent interroger mais comme cela à été dis précédemment, si on a que le titre c’est dur à analyser.
Les bannières gif pour 11 000 € ? Si c’est un travail quasi quotidien sur une longue durée, en comptant la créa pure et la mise en service/ligne, cela peut s’expliquer par exemple.
Travaillant pour des services régionaux, municipaux et nationaux, certains appel d’offres sont effectivement « bizarres » mais la plupart du temps, c’est tiré à quatre épingle niveau budjet/temps de réa pour du print ou du web
Merci, oui c’est intéressant, je serais curieux d’en savoir plus sur ton expérience dans les services régionaux 🙂
Sans connaître le contenu des projets, il faut reconnaitre que 25K une charte graphique ou encore des dépense > 500K sur du webdesign, ça paraît élevé mais peut-être que chaque projet était réellement à la hauteur de la dépense.
Mais loin de toute considération du type « est-ce le bon prix » qui demanderait en effet une étude approfondie de chaque projet, la question que nous sommes en droit aussi de nous poser, c’est l’utilité de telles dépenses. Par exemple, est-il réellement utile de dépenser 500 ou 600K dans le graphisme, le webdesign et l’ergonomie du site web du ministère de la défense ou de l’éducation nationale. Ce sont des dépenses bien supérieures aux dépenses de grosses sociétés ecommerce dont le site web est leur fond de commerce. Pour ces ministères qu’on dit touchés par des restrictions budgétaires, n’y a t’il pas d’autres dépenses prioritaires ?
Cet article me rappelle ma découverte quand j’ai changé de boulot en allant d’une agence web où j’avais bossé pendant 7 ans en collectivité. Ma première mission était de travailler sur lancement des quatre sites commandés quelques mois plus tôt à une autre agence à 91.000 euros chacun. Tarifs que je n’avais jamais vu dans l’agence où je bossais et avec des taux horaires de gestion de dossiers bien plus élevés que ce nous pratiquions à l’agence ou des frais d’utilisation de CMS propriétaire un poil aberrant. Je me suis alors dit que nous avions été très cons dans mon ancienne agence 😉
Je me rappelle aussi de premier nom de domaine que j’ai voulu acheter en direct mais que je ne pouvais pas payer du fait du fonctionnement administratif (pas de carte bleu, paiement par la trésorerie..) et qui nous fut donc facturé 250 euros par l’agence. Par la suite sur les quelques dossiers où j’ai accompagné des services pendant 4 ans, j’étais toujours surpris de voir des tarifs assez élevés mais qui ne faisaient pas vraiment tiquer les acheteurs qui n’ont pas la même logique qu’une entreprise. Ils ont un budget alloué ils le dépense mais n’ont pas de logique de rendement. Certaines agences faisaient aussi miroiter aux chefs de service des gadgets « modernes » mais vendus super chers : photos qui changent en fond de page, personnalisations complexes, icônes à la con… Donc on avait de quoi faire baisser les budgets 😉
Et puis il faut aussi dire qu’au niveau Etat comme collectivités il y a eu une volonté de montrer son modernisme en investissant massivement dans le numérique en prenant des budgets sur le print par exemple. Se sont ajoutés ensuite les applications mobiles et souvent un même discours : « regardez le budget qu’on a investi pour avoir un beau site ! » Comme j’ai dit un jour à un élu : à 465.000 euros le site heureusement !
S’ajoute à cela la question de la pérennité. Combien de sites ou logos changés pour rien à un changement d’élu ou dircom ?! A l’inverse peu investissent sur un outil long terme et sur de la formation des équipes en interne pour maitriser et faire évoluer les outils. Mais j’en connais…
Ayant le même profil que Bertrand et travaillant depuis 2014 pour un ministère et établissement national (concerné de plus ou moins près avec quelques lignes dans le tableau), je confirme ses propos à 99% (la gestion des ndd sont par contre facturés « a prix coûtant » par notre agence web 🙂
En effet aucune logique de rendement (mot plus ou moins tabou) ; le budget alloué qu’il faut dépenser sinon il n’est pas réattribué…
Un paramètre à prendre à compte (dans mon cas seulement ?) est peut-être la méconnaissance des décideurs déconnectés sur le design tel qu’on le voit dans les projets ci-dessus. Des difficultés à définir leur besoin réel et donc un budget réaliste à mettre en face. De l’autre coté certaines agences « spécialisées dans le marche public » exploitent plus ou moins le filon. (Mais je ne ferais pas d’un cas une généralité).
Concernant le contexte, il faut se rendre compte de la multitude de projets, de sites, d’intranet, d’extranet en ligne dans tous les ministères (entité publique) et tous les établissements (entité d’achat) ; de la complexité à vouloir tout mettre en lien. Cela peut expliquer en partie les budgets faramineux.
Des exemples avec quelque détails:
Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) 25 100,00 http://www.boamp.fr/avis/detail/12-226329/1
Ministère de la Défense 150 640,00
http://www.boamp.fr/avis/detail/13-62052/1
Ministère de la Défense 129 000,00
http://www.boamp.fr/avis/detail/13-25681/0
Avec la phrase jackpot : « …un espace numérique officiel sécurisé qui est maitrisé et fédéré par la Dicod et dont le périmètre, l’architecture, l’ergonomie, le graphisme, les fonctionnalités et le potentiel évolutif restent à déterminer «
Sans connaître les projets il est difficile de se faire un avis sur les budgets. En revanche j’ai une question, car vous dites ne pas porter de jugement mais je note un LOL entre parenthèse devant une migration sous SPIP3 et j’aimerais bien connaître votre argument pour émettre ce sarcasme…
Ha ha pour SPIP, c’est plutôt une private joke sur ce CMS français qui est un classique des CMS utilisés par les institutions françaises 😉
Merci pour la réponse 🙂 Effectivement les institutions y sont attachées (peut être dû au fait qu’ils ne souhaitent pas se former sur un autre logiciel) mais dit je note une ouverture vers les autres CMS ces derniers temps.
Pour en revenir au sujet, il est dommage que le fichier ne donne pas plus d’informations sur les projets. Celui sur les bannières Flash et GIF me laisse un peu dubitative. Ne répondant plus aux appels d’offre institutionnels, je me souviens tout de même que les administrations prenaient au moins cher, du moins autour de chez moi. Sachant que c’est de l’argent public, il faut admettre qu’ici quelques projets ont un budget indécent. On rogne pour tasser des élèves dans des classes de 30-35 baissant la qualité de l’instruction et derrière on jette par la fenêtre des sommes astronomiques pour faire de la com.
Reste que Spip est un outil très puissant. Peut être un meilleur choix qu’un Drupal mal configuré et super lourd ou qu’un wordpress peu sécurisé et pas suivi, et je parle pas des Joomla que j’ai vu chez des petites collectivités 😉 Certes c’est moins sexy mais ça tient bien la charge, totalement extensible et permet tout au niveau présentation. Certains des budgets concernent d’ailleurs peut être des migrations coûteuses d’un Spip à autre chose 😉
Teenoo > quels autres CMS vois-tu se développer dans les institutions par exemple ?
Dernièrement j’ai trouvé que dans mon coin du Limousin, ils étaient assez séduits par du Joomla et du Drupal. Autant Drupal je peux comprendre en partie mais le choix Joomla, comme WordPress, dans ce type de projet, doit être apprécié car ce sont des stars des CMS, ils envoient de la paillette rien qu’en évoquant le nom. Etant développeur Front, connaissant Joomla, WordPress et SPIP j’ai un net penchant pour SPIP très puissant, léger et vecteur de moins de problèmes en aval que les autres 🙂 (eh puis depuis la version 3, il y a pas photo). Mais là n’est pas le sujet…
Je travaillais l’année dernière sur un petit projet pour du public, c’était catastrophique. On m’a foutu la pression sur du juridique mais on se torchait avec mon devis validé, bref la proche fois je double mon devis ! On a aussi réutilisé mes fichiers sans mon accord…
J’ai aussi vu un projet graphique refusé, franchement j’ai pas compris le truc… pas la créa du siècle mais ça faisait le job.
En gros, les politiciens pensent qu’à leur tronche en mangeant du raisin sur leurs sofas, leurs employés pensent qu’à leurs chefs et les prestataires disent oui…
De toutes manières, dans ces secteurs-là, cela sera toujours des prix « exorbitants ».
Je trouve ta démarche intéressante mais je trouve dommage qu’elle ne soit pas plus étayée. L’analyse des dépenses de l’état sur les questions de communications est évidement nécéssaire néanmoins le simple angle numéraire n’est pas suffisant il me semble.
Ceci étant dit, la Cour des Comptes organise une Data Session avis aux amateurs…
https://www.facebook.com/ccomptes/photos/a.590911361049746.1073741828.587483581392524/680158505458364/?type=3
Oui, cela n’est pas suffisant, hélas, je n’ai eu accès qu’à ces données 🙂 Si cela t’intéresse de creuser, n’hésite pas à m’en informer !
Bonjour Geoffrey, merci pour cet article, justement le gouvernement vient de faire réaliser une mise à jour de son identité graphique, qui datait de 1999.
https://www.gouvernement.fr/marque-Etat
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_graphique_de_la_communication_gouvernementale_en_France
Je n’arrive pas à trouver combien ça a couté, ni le nom de l’agence qui l’a réalisé.
Si quelqu’un a l’info ?