Si vous êtes designer, vous avez déjà eu forcément le besoin de vous présenter, dire ce que vous faites et, avouez-le, ça n’est pas toujours facile. Je vais, au travers de cet article, vous raconter un peu comment, au fil du temps, j’ai appris à me présenter même si, encore aujourd’hui, cela reste parfois un exercice difficile qui change pratiquement à chaque fois que je dois me présenter.

Mais pourquoi est-ce si difficile de se présenter ?

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Se présenter est difficile car cela dépend de qui vous avez en face de vous et de quelle est votre profession dans le design. Souvent, la réelle difficulté vient de la façon de se présenter à des gens qui ne connaissent pas le design (car si à la phrase : « Salut je suis UX dans une startup qui fait du lean » – on vous répond « Trop bien tu es incubé où ? Qui est ton VP ? Vous avez un business angel ? » c’est que votre interlocuteur connaîtra quelque peut votre sujet – votre jargon !). De façon volontairement synthétique je dirais qu’il y a trois cas de figure :

Trois cas de figure

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Si vous êtes hyper-spécialisé, vous avez une chance sur deux d’être compris par votre interlocuteur. « Bonjour je suis designer d’interfaces tactiles sur des webdocumentaires open source« . Soit votre interlocuteur connaît l’ensemble de la profession et le milieu du design et vous identifiera rapidement, soit il vous demandera : « et précisément, tu fais quoi ? » Et c’est à ce moment que vous rentrez dans des explications qui pourront être laborieuses : « Alors, c’est facile, j’interviens en amont lors du brief pour analyser les besoins utilisateurs et les matériaux qui seront mis à leur disposition lors du projet numérique afin d’établir les systèmes interactifs sur écran afin de concevoir… ». Las, vous pourrez finir par dire « Je fais des sites sur Internet » afin d’être soulagé de cette incompréhension.

Si vous travaillez pour une grande boîte, alors là c’est plus facile mais ça ne répond pas forcément à la question. Cependant, cela fait fonctionner l’imaginaire de votre interlocuteur : « Bonjour je suis designer… chez Hermès » – vous serez donc perçu comme un designer de flacons de parfum de luxe. Cela fonctionne aussi « Bonjour je suis designer à la Mairie de Paris » – peut-être serez vous perçu comme la personne qui fait les affiches des panneaux d’annonces de la mairie ou alors du designer qui s’occupe de faire les images pour le site Internet.

Si vous êtes indépendant et que vous travaillez sur énormément de projets différents en même temps (et c’est mon cas), bonne chance : « Je suis designer indépendant, je travaille du design numérique, des interfaces, des affiches, des logos, des plaquettes, etc. » la liste est longue et personnellement, je sais que je m’efforce encore de ne pas tomber dans le piège de raconter en détails chaque champ d’action dans lequel je crée.

Comment faire ?

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Comment bien se présenter ? Au début, j’ai fait toutes les erreurs : je listais tous les champs d’action du design que je réalisais et donc, cela était interminable et flou ou alors je disais juste « je suis designer » et cela n’évoquait pas grand chose chez mes interlocuteurs. Alors j’ai compris avec le temps que lorsque vous vous présentez, il ne faut pas se présenter précisément, mais il faut se présenter dans le but suivant : faire en sorte que votre interlocuteur puisse, à son tour, vous présenter. En effet, on parle toujours mieux de quelque chose que l’on comprend bien. Il faut donc se mettre à la place de son interlocuteur et chercher à savoir à quoi il se rattache, ce qui l’intéresse. Ainsi, la synthèse que j’effectue quand je dois me présenter au détour d’une conversation par exemple, est schématiquement la suivante :

  • Bonjour je m’appelle Geoffrey et je suis designer
  • Designer… ? De quoi, dans quelle branche ?
  • [de façon synthétique] : — dans ces trois branches : le design numérique : sur tablette, mobile, écrans en tout genre, le design graphique : des affiches, des livres, des identité visuelles (le mot « logo » c’est parfois plus simple) et aussi dans le conseil et la formation (ça en général ça parle un peu plus aux gens).
  • [un peu plus développée] : — actuellement je travaille par exemple sur… et pour telles marques, associations, telles personnes, etc.

Du concret

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Et s’il y a une chose très agréable quand on est designer c’est qu’on a des exemples de projets que l’on conçoit. Un site Internet, un logo, une affiche, un livre, une typo, une application, etc. C’est souvent beaucoup plus facile de citer un ou deux projets concrets pour parler de son travail. Ce seront souvent les projets du moment ou les plus récents que vous pourrez citer. Votre interlocuteur pourra donc se projeter sur des choses concrètes et ensuite, à son tour se présenter concrètement si ce n’est pas déjà fait. Il pourra également vous présenter si cela est nécessaire en parlant des projets concrets que vous lui avez montré / expliqué. Si vous l’avez mentionné, il pourra dire aussi pour qui vous travaillez (la ville de Paris, la Croix Rouge, le journal Libération, etc.).

En résumé

Je résumerai ma synthèse de présentation de cette façon :

  • Ma fonction, mon statut ou mon entreprise
  • Mes outils, mes supports de production
  • Des exemples concrets et des gens / marques / etc.

J’en profite aussi pour vous demander comment faites-vous ? Comment vous vous y prenez ? Mais aussi pour vous dire qu’on peut se présenter de bien des façons et autrement que par son métier. On peut se présenter comme « papa de 3 enfants« , comme « passionné d’écologie » comme « artiste à ses heures perdues » comme « entrepreneur » comme « militant » comme « futur aventurier dans le domaine de… » ou « en recherche de… » À chacun de s’amuser avec cet exercice souvent difficile qu’est de se présenter.

En tous les cas, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre et à expérimenter en la matière, d’autant plus que mes activités de design sortent du champs classique du design et nous sommes nombreux dans ce cas, à jongler entre plusieurs métiers, cela devient un véritable casse-tête de se présenter comme « musicien-enseignant-entrepreneur-écrivain-bloggueur-et-qui-anime-des-podcasts-sur-l’économie. »




14 commentaires

  1. Merci pour cet article Geoffrey,
    c’est en effet de moins en moins évident de se présenter (pour ma part avec des pratiques très variées), on revient au questionnement des intitulés, souvent maladroits ou vagues et pas forcément évident en français. La polyvalence des champs de métiers et de ses supports et amènent une complexification de la présentation. C’est un gros problème pour moi car il faut souvent faire du cas par cas en fonction de l’interlocuteur et mes métiers vont être différents, au risque de dire A à l’un et B à l’autre.
    Après il est vrai que l’exemple est le meilleur témoin, mais cela reste très difficile de vendre un projet lorsque les précédents sont un peu différents, c’est aussi une grosse question de confiance je pense?

  2. Merci pour cette réflexion sur ce sujet quotidien et pourtant si complexe 🙂

    En ce qui concerne la façon de me présenter, avant c’était facile grâce au pitch de mon école : je suis dans une école du numérique, et je suis spécialisée en design.
    Maintenant que j’ai un pied dans le monde de l’entreprise, les choses se sont considérablement corsées. Ma mission est une mission d’innovation des process RH par le design. Quand je rencontre des collègues qui me demandent concrètement ce que je fais dans la vie, c’est un vrai casse-tête, parce que je dois comprendre en direct ce qui sera pertinent pour mon interlocuteur-rice.

    Souvent j’ai une approche assez généraliste (design = conception, remise en question de l’existant, et centrer sa réflexion sur l’humain) et petit à petit je vais resserrer vers quelque chose de + concret par un exemple réalisé pour un ancien client.
    Parfois ça ne fonctionne pas, donc je suis obligée de trouver un nouvel angle d’attaque (voire 2 ou 3), et on finit toujours par s’entendre 🙂

    Ce moyen est efficace, mais même s’il demande beaucoup de temps et d’enthousiasme, j’espère ne jamais manquer de l’un ni de l’autre 🙂

    Je dois admettre qu’il m’arrive parfois de regretter de ne pas être comptable ou institutrice : ces métiers sont tout aussi variés que les nôtres, mais tout le monde sait quoi s’agit.
    Toutefois, je suis contente d’avoir à expliquer ce que je fais, ça veut dire que les gens n’ont pas d’idées préconçues sur mon travail, et en plus c’est un formidable sujet de discussion 🙂

    1. Ravi de te lire ici 🙂

      Oui, à la sortie de l’école, évidemment très peu de personnes sont en mesure de comprendre nos métiers / nos fonctions, mieux : nos aspirations ! Concernant l’innovation des process RH par le design, c’est un enjeu qui échappe, je peux le concevoir, à bon nombre de personnes mais le fait que tu t’en réjouisses fait que oui, tu es belle et bien designer, généreuse de cette envie de partager, de « faire comprendre » et d’accompagner ton interlocuteur (utilisateur ? ;-)) dans ce dialogue. Empathie ? Oui pour sûr !

  3. Bonjour Geoffrey, je suis avec beaucoup d’intérêts vos articles.
    Personnellement lorsque je dois expliquer mon métier, je l’explique le plus succinctement possible.
    Mes règles :
    – Eviter scrupuleusement le jargon technique qui emprunte la plupart de ces terme à l’anglais, et qui reste de toute façon incompréhensible ;
    – Partir d’un exemple concret 🙂 c’est toujours plus facile à appréhender ;
    – Resituer dans un contexte général.
    Voilà. Bonne journée.

  4. Tout juste diplômé d’un DSAA en Design insitu, j’insiste surtout sur pourquoi les gens viennent me voir. Je commence par :
    — Les « clients » viennent me voir avec un ensemble de préoccupations qu’ils constatent* : Certains évoque l’expérience désagréable d’un patient dans l’accueil d’un hôpital. D’autres critiquent la relation consumériste qu’à un habitant avec sa bibliothèque municipale (Dans « j’emprunte – je lis – je rends », quelle est la place de « je crée » ou « je discute » la culture ?).
    — Face à ces situations, Il faut comprendre les besoins des acteurs impliqués. Puis, interroger l’espace et les échanges entre les usagers, leurs expériences émotionnelles, et parfois aborder l’enjeu politique en jeu.
    — Pour permettre aux acteurs concernés de décider quoi faire, « on » synthétise des pistes d’actions et « on » les accompagnent dans leurs choix. Ce « on » c’est qui ? C’est un tout dans lequel mon travail de designer centré-usager fait partie, avec des sociologues, d’une variété d’acteurs concernés, de designers de différentes spécialités (produit, espace, graphisme, etc).

    * Parfois, c’est à mon initiative de sensibiliser le « client » aux différents problèmes latents que génère l’environnement auquel il est attaché.

  5. Merci pour cet article très intéressant !
    Il arrive souvent qu’on pose la fameuse question « tu fais quoi dans la vie? » notamment dans des situations de rencontres comme le covoiturage, où l’on se sent obligé d’aller vers l’autre et où bien souvent on ne fait pas partie du même milieu professionnel. Bien sûr, la réponse qu’attendent les gens à cette question et de connaître votre métier. En général, je réponds donc simplement « Je suis graphiste et je travaille sur plusieurs projets qui font sens à mes yeux ».
    Cela a le mérite d’attiser la curiosité de l’interlocuteur qui va soit demander ce qu’est un graphiste (pas un métier très connu comme instit ou comptable effectivement ^^), soit demander quels types de projet. Cette démarche a le mérite de présenter à la fois le métier de graphiste/designer et de montrer concrètement que nous ne sommes pas des artistes peintres, nous répondons à des problèmes.
    Et bien sûr à ce moment là indiquer des projets concrets. exemple : « j’ai travaillé sur toute la communication visuelle, le logo, les menus, la vitrine, d’une pizzeria qui confectionne tout artisanalement, pour valoriser leur travail ». Alors forcément, une pizza ça parle à tout le monde ! ^^

  6. La diversité des spécialisations et des contextes professionnels peut rendre la communication de votre rôle complexe, surtout auprès de personnes qui ne sont pas familières avec le domaine du design.


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