Aujourd’hui, je vous propose la lecture d’un texte que le brillant journaliste & rédacteur en chef de Rue89, Xavier de La Porte, nous a écrit pour la dernière soirée Dizain. Intitulée « Déconnexion(s) », cette soirée accueillait tous les designers, artistes, plasticiens, architectes, créatifs que nous avions accueilli pendant les 4 dernières années. Chacun pouvait présenter une image, pendant une minute sur le thème de la déconnexion. Xavier quant à lui avait en charge d’introduire cette soirée de sa plume, comme il sait si bien le faire.

xporte

Déconnexion(s) par Xavier de La Porte

« Quand Marina m’a proposé de venir parler de déconnexion, je n’ai pas hésité, c’est un sujet qui me tient à cœur. Parce qu’au-delà des questions théoriques que pose ce sujet – et qui sont passionnantes, je pense que toute cette soirée va le montrer -, c’est l’occasion de me livrer à une introspection, et d’essayer de comprendre et d’expliquer pourquoi je suis affublé de ce qui est devenu une particularité suspecte : je n’ai pas de smartphone. Je n’ai pas de smartphone, et n’en ai jamais eu (pour être tout à fait honnête, j’en ai eu un il y a quelques années, mais ne l’ai jamais connecté au réseau et m’en suis donc séparé pour des raisons d’autonomie énergétique), alors même que l’essentiel de mon travail consiste à comprendre en quoi le numérique affecte nos vies, à le raconter ou le faire raconter à d’autres.

Je suis bien conscient que cela pose des problèmes de crédibilité professionnelle, car, aujourd’hui que les smartphones ont pris une place centrale dans notre expérience numérique, je me retrouve dans la situation d’un peintre qui peindrait des marines sans avoir vu la mer. Mais après tout, je pourrais répondre comme l’a fait un jour Blaise Cendrars, l’auteur de la mémorable « Prose du Transsibérien », à quelqu’un qui lui demandait « Mais Blaise, l’avez-vous vraiment pris ce Transsibérien ? » : « Peu importe, si je l’ai fait prendre à d’autres. » Voilà, c’était le moment mégalo du mec qui se compare à Cendrars… Cela dit, la référence à Cendrars n’est pas complètement anodine car je me demande souvent comment lui, qui était revenu de la guerre avec un bras en moins, aurait fait dans notre monde où une des deux mains est très souvent occupée par un téléphone. La déconnexion, c’est aussi un problème de motricité physique.

Mais revenons au problème initial. Pourquoi est-ce que je continue, en laissant le smartphone que m’a fourni mon employeur prendre la poussière, à risquer la faute professionnelle, à affronter les railleries de mes collègues, et à me mettre à l’écart d’un état devenu celui le plus communément partagé ?

Une réponse m’est souvent donnée par des malveillants : le snobisme.

Sans doute un peu. Oui, j’avoue une once de snobisme en gardant mon Nokia. Et je veux bien, même, reconnaître une once de perversion à le poser sur la table devant un (ou une) geek que j’interviewe.

Mais ça ne suffit pas.

Une autre raison pourrait être : la sécurité, ou une forme militante de préservation de la vie privée. Je confesse que ce n’est pas la raison première, mais qu’elle prend une part de plus en plus importante chaque jour. Nous nous sommes livrés il y a quelques jours dans les locaux de Rue89 à une petite expérience qui inquiétera ceux d’entre vous qui ne sont pas à la pointe en matière de vie privée. Nous avons créé un faux profil Facebook, auquel on a associé mon numéro de téléphone (qui n’a jamais été associé à mon vrai profil Facebbok). Or l’algorithme de Facebook a proposé à ce faux profil une liste de profils qui correspondait trait pour trait à celle de mes amis (il n’y avait pas tous les amis, mais tous la très grandre majorité des profils étaient des gens que je connaissais). Comment est-ce possible ? Eh bien parce que Facebook aspire le répertoire des usagers de smartphone qui utilisent l’application sur leur téléphone et qui n’interdisent pas à Facebook de le faire. Ça n’est pas grand chose, ça n’est pas très grave, mais ça dit quelque chose de ce à quoi on s’expose quand on a un smartphone et qu’on n’est ni un exégète des conditions d’usage, ni un as du paramétrage. En n’ayant pas de smartphone, en n’ayant pas d’applis curieuses, en n’étant pas géolocalisable à tout instant, je me préserve l’illusion – mais pas seulement l’illusion – d’une forme élémentaire de vie privée, qui me permet de continuer d’avoir, en toute innocence, le même mot de passe pour tous mes loggins. Je serais donc un peu de mauvaise foi – mais un peu seulement de mauvaise foi – en avançant un désir de sécurité pour justifier mon Nokia, mais quand même : être parfois déconnecté, c’est s’offrir la possibilité de tout petits espaces de disparition temporaire.

Alors, quelle est la raison principale ? Elle pourrait tenir en une situation. Après 15 ans de radio, je suis affecté d’une névrose, la ponctualité. Une grand part de l’humanité étant affecté de la névrose inverse – le retard chronique -, je passe beaucoup de temps à attendre. Jamais très longtemps – quoique…–, mais j’attends souvent. Que font aujourd’hui les gens quand ils attendent (dans un café, dans une file) ? Quand ils emmènent leurs enfants au parc ? Que font les gens de leur temps morts en général ? De ces instants plus ou moins longs qui sont gagnés sur le temps productif, sur le temps affectif, bref sur le temps qui a une finalité ? De ces instants sans finalité, ces instants d’oisiveté, d’ennui, d’inutilité ? Aujourd’hui, bien souvent, ils le comblent en consultant leur téléphone.

Je ne sais pas ce qu’ils y font. Sans doute des choses utiles, et d’autres qui ne le sont pas. Certains en profitent sans doute pour travailler, pour se distraire, pour s’informer, pour aimer. Peu importe, ce qui m’intéresse n’est pas ce qu’ils font, mais ce qu’ils ne font pas.

Qu’est-ce qu’on ne fait pas quand on a un smartphone pour combler ces instants sans finalité ?

  • On ne rêvasse pas. On ne laisse plus son esprit vagabonder. Rappelons-nous Montaigne qui dans le chapitre des Essais consacré à l’oisiveté reconnaît les vertus de ce vagabondage mental et cite Sénèque : « L’abstinence de faire est souvent aussi généreuse que le faire. »
  • Quand on regarde son téléphone, on ne regarde pas les gens. On n’écoute pas les conversations de ses voisins. On ne remarque pas le bâtiment en train de se construire.
  • Quand on regarde son téléphone, on ne prend pas un journal pour le feuilleter. Je ne vais pas vous faire le couplet de la nostalgie du papier, je m’informe à 90 % sur les réseaux, et j’aime ça. Mais je constate aussi que ces moments de latence où j’attrape pour le lire ce qui me tombe sous la main (ou gît au fond de mon sac de mon sac) est en général l’occasion d’une découverte sérendipitaire que me permet de moins ce qu’est devenu le web. Oui, c’est étrange, ces moments où je lis n’importe quoi – même un quotidien qui date d’il y a trois semaines – me font retrouver en physique les effets du web d’antan…. C’est étrange….

Bien sûr, je suis volontairement lyrique dans la description de ces moments (alors qu’on peut aussi s’ennuyer à mourir quand on n’a rien à lire, qu’on est dans un endroit où il n’y a rien à faire, seul…., mais même alors, on pourrait faire l’éloge de l’ennui, qui contrairement à ce qu’on croie, n’a pas disparu avec les technologies, mais qui a peut-être changé de forme, l’ennui fait de vide laissant place à l’ennui fait de plein, mais c’est une autre histoire….).

Je force le trait et je suis sûr que même avec vos smartphones, il vous arrive de révasser, d’écouter une conversation, de lire ce qui vous tombe sous la main. Mais moi, parce je sais que je ne le ferai pas, parce que je sais que je préférerai regarder mes mails, ou Twitter, ou Facebook, je résiste au smartphone. La voilà, la vraie raison du Nokia pourri. Mon Nokia pourri, il créé des discontinuités dans la connexion. Pas une déconnexion, mais des trous dans la connexion. Seulement ça. Mais c’est important.

Est-ce qu’on peut tirer des conclusions un peu plus générale de tout ça ? J’en vois 5, mais il y en sûrement d’autres

Première conclusion : les expériences de déconnexion radicale et longue (je parle là de la décision de se déconnecter) m’ont toujours paru étranges. Par exemple, l’expérience de Thierry Crouzet, qu’il a raconté dans un livre Débranché. Parce qu’elles traitent le déconnexion sur le mode d’un sevrage qui donne à penser que la connexion est une forme d’addiction. Or, je ne pense pas que nous ayons avec nos outils, et les services qu’ils proposent, un rapport d’addiction. Comme le disait le sociologue Antonio Casilli, si nous étions addicts à l’Internet, il faudrait dire alors que nous le sommes aussi de l’eau courante ou de l’électricité. Donc, oui, nous sommes de plus en dépendants de la connexion, mais nous n’en sommes pas addicts. La déconnexion n’est pas une nécessité physiologique. Elle est d’une autre nature.

  • D’où 2ème conclusion : la déconnexion est désirable quand elle est choisie. Je peux me permettre ces moments de déconnexion parce que je suis connecté tout le temps. Je le suis chez moi. Je le suis au travail. Et comme je me déplace en scooter (c’est essentiel pour ces questions la manière dont on se déplace, je n’aurais pas le même discours si je me déplaçais en métro), les seuls moments où je ne suis pas connectés sont, à part les temps volés dont je vous ai parlés, des moments où je ne pourrais pas jouir de la connexion (parce que ce sont des moments de sociabilité principalement, à moins bien sûr, que je sois un malotru et que je regarde mes notifications pendant un dîner, mais personne ne fait ça….). Je suis connecté presue tout le temps, et j’adore ça. Il ne faut surtout pas interpréter ce que je raconte comme un hymne à la déconnexion. Donc, la déconnexion est précieuse, parce qu’elle est rare.
  • 3ème conclusion : en tant qu’elle est précieuse, elle est aussi un luxe, la déconnexion choisie peut devenir symbole de pouvoir et de richesse. Le signe le plus folklorique, ce sont tous ces séjours qui proposent des stages de déconnexion coûtent des fortunes.Le premier réflexe est de se dire que franchement une chambre à 300 euros, sans WIFI, c’est une arnaque. Sauf que ce n’est que le signe que la déconnexion est un privilègre qui se paie cher. Dernièrement, j’ai été frappé par un rendez-vous que j’ai eu avec le patron de presse d’un groupe. Un homme élégant, rapide, poli et autoritaire. Nous avons discuté pendant une heure et demie et j’ai mis un moment à comprendre ce qui me semblait étrange dans cette situation, avant de réaliser qu’il n’avait pas sorti son téléphone. … J’ai trouvé ça merveilleux jusqu’au moment où une porte s’est ouverte et une dame a passé la tête pour lui signifier qu’une autre tache l’attendait. A ce moment-là, j’ai réalisé que s’il pouvait se permettre cette longue déconnexion, c’est parce que quelqu’un d’autre était connecté pour lui, quelqu’un le préviendrait s’il y avait une urgence, s’il était requis par un mail ou quelque autre événement. Lui pouvait déconnecter pendant une heure et demi, pas sa secrétaire. Cette remarque, c’est aussi celle que fait Mathew Crawford dans son dernier livre au sujet de l’attention. Ce livre s’appelle Contact, il est sous-titré « Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver », et Crawford y constate notamment que dans les aéroports, les seuls lieux calmes, où notre attention n’est pas continuellement sollicitée par des annonces sonores, des écrans de télévision etc. ce sont les salons des classes affaires où tout est silencieux. Bien sûr, la déconnexion et l’attention ne se recoupent pas complètement (les salons lounge ne sont pas des lieux déconnectés), mais Crawford remarque, comme on peut déjà le voir faire pour la déconnexion, une tendance au sous-traitement de l’attention.
  • 4ème conclusion : il faut se garder que la déconnexion demeure un état réservé aux puissants ? Vous connaissez tous les revendications portées par certains syndicats (et qui ont eu déjà leurs effets dans certaines branches) visant à rendre obligatoire la déconnexion avant et après une certaine heure. Ca permet de régler le problème de la connexion professionnelle, ce qui est déjà important. Mais il y a la connexion personnelle. Celle qui ne nous est pas imposée, mais que l’on s’impose à soi-même. Et là, ça n’est plus une question légale, c’est une question de morale personnelle. Comme l’avaient montré Laurence Allard et Joëlle Menrath dans une étude menée sur les usages numériques de Français, cette question est devenue centrale. Il y a 10 ans, la question que se posaient les gens était celle de la compétence, aujourd’hui, c’est celle de la régulation : « comment réguler mes usages ? »
  • J’en tire comme 5ème conclusion que la déconnexion est devenue aussi une question morale. Pas morale au sens de la moralité, mais morale au sens où elle relève des règles que l’on s’impose à soi-même dans nos comportements les plus intimes, au sens-même de la philosophie morale. Une historienne de la littérature me faisait remarquer que Descartes a écrit son discours de la Méthode à un moment où lui et ses contemporains vivaient une impression de surdose informationnelle. Ce n’est qu’au début du 17ème qu’une véritable administration des postes est créée, qu’elle commence à transporter en masse le courier des particuliers et ce n’est qu’en 1627 que c’est l’expéditeur qui paie, et plus le destinataire (ce qui règle bien des problèmes de savoir-vivre). Manifestement, c’est à ce moment-là qu’on commence à se plaindre de tout ce courrier qui nécessite le temps d’y répondre. A quoi s’ajoutaient les effets de plus d’un siècle d’imprimerie (donc déjà beaucoup de livres, beaucoup trop aux yeux de certains), et les début de la presse (Théophraste Renaudot lance sa gazette en 1631). Et donc en 1637 est publié le Discours de la Méthode. Souvenez-vous comment ça commence : Descartes y raconte comme il s’est enfermé dans une pièce – un poêle – comment il s’est isolé pour tout remettre à plat et fonder sa méthode. Cette historienne de la littérature y voyait-là une analogie avec notre époque et une démarche à méditer. Nous ne sommes pas tous Descartes, nous n’avons pas tous l’ambition d’écrire le Discours de la méthode, et pas forcément l’envie de passer des semaines dans un poêle. Mais voilà, il y a des époques où l’on doit penser à des retraits pour mieux penser et mieux vivre dans le monde. Nous vivons peut-être une de ces époques.

Merci. »

Petite conclusion

Merci à toi Xavier, merci à toi pour ce brillant éclairage, ton regard drôle et touchant aussi. Cela me questionne d’autant plus que je recherche réellement à modifier mes habitudes liées au numérique, comme si je pouvais me hacker de l’intérieur en changeant ma façon de faire, ma façon d’utiliser le numérique. J’essaye de ne pas tomber dans les pièges numériques qui nous sont tendus, mais j’essaye aussi de détourner les flots d’informations qui m’arrivent pour sélectionner uniquement l’important, l’essentiel mais aussi le surprenant, l’intelligent, l’inatendu. J’en parlais encore il y a peu dans cet article sur Medium intitulé « Design toi toi-même. »

En dehors d’être loin de votre téléphone ou de l’éteindre, comment abordez-vous la déconnexion ? Est-elle numérique ? Est-ce une déconnexion de travail ? Une déconnexion intellectuelle ? Une déconnexion sociale ? Une déconnexion de la ville ? Ou plutôt une reconnexion avec vous-même ?

Photos par Arthur Enard




10 commentaires

  1. Comme c’est dit à un moment dans l’article, au final savoir se déconnecter sans une discipline personnelle qu’il faut être capable de s’imposer. La même auto-discipline qui nous pousse à aller à la salle de sport même quand il fait froid dehors, à ne pas boire une bière de plus quand on sait qu’on va reprendre le volant, etc.

    C’est un peu du chacun pour soi au final.

    Personnellement, je me suis imposé plusieurs règles : Lors des moments conviviaux type apéros, je m’oblige à ne pas regarder mon téléphone et je fais la guerre aux autres autour de la table pour qu’ils fassent pareil et qu’ils profitent de ce moment.
    Quand je prend le tram entre le boulot et chez moi, je m’oblige à ne pas regarder mon portable ni de mettre des écouteurs sur les oreilles. Ca ouvre tellement d’entendre les sons de tous les jours, les gens, les conversations, les bruits de la nature, etc. Oui c’est lyrique, mais ça fait du bien sérieux, pour de vrai 🙂

    1. Intéressant cette vision du « chacun pour soi » comme découlant de l’auto-discipline. En effet, les petits actes que tu réalises contribuent à donner le La pour les gens qui nous entourent également.

  2. « L’ennui fait de vide laisse place à l’ennui fait de plein. »
    Je crois que vous avez défini de la plus belle façon qui soit le « nouvel ennui » qui caractérise notre société connectée.

    En tout cas merci pour ce point de vue ! Il est passionnant, profond et vraiment inspirant.

    Je travaille personnellement sur les sujets de l’hyperconnexion, le stress numérique, la Digital Detox, etc. Si vous avez un jour un peu de temps à m’accorder, je serais réellement honoré de vous rencontrer !

    1. Oups, j’ai tellement été emporté que j’en ai oublié qu’il s’agit d’un discours retranscrit ! Mille pardons ! Alors merci infiniment pour le partage de ce discours 😉

  3. Le jour où j’ai lu l’article de Rue89 cité par Xavier de la Porte, ma douce m’a fait remarquer que Facebook lui proposait de devenir amie avec un Avocat dont j’avais récupéré le numéro de téléphone sur mon portable deux jours plus tôt.

    Sur la déconnexion, je crois que ca touche le phénomène plus large de notre rapport à l’ennui. Or, l’ennui, c’est un truc qui m’a touché fait vraiment peur. Et de ce point de vue, le web en tant que source d’information infinie m’a longtemps paru être une réponse à ce problème.
    Sauf que chez moi les idées et l’inspiration ont besoin de la présence des autres pour se former.

    Je découvre le concept de sous-traitance de l’attention. C’est assez fascinant.
    (je m’arrête là, il y a beaucoup à dire et à penser sur ce texte 😉

    1. Je suis assez d’accord, ça pose vraiment la question de notre rapport à l’ennui. J’ai l’impression qu’on a fait une énorme course à la lutte contre l’ennui depuis quelques dizaines d’années. Et à mon sens, ça vient déjà de la génération de nos parents pour qui la stimulation des enfants était la clé vers un gamin plus intelligent, qui réussira mieux : « tu vas faire du piano, tu vas faire du sport, tu vas faire du dessin », etc. Enfant surstimulé et à la fin, enfant qui ne comprend pas comment on peut juste ne rien « faire ».

      Les smartphones et l’accès instantanée à l’information (de quelque nature quelle soit, videos de chats ou articles insolites et dépêches france info, par exemple) ont rendu possible la sur-stimulation et le non-ennui.

      Personnellement, je suis quelqu’un décrit comme « créatif », et je me suis rendu compte que j’avais des tas d’idées quand justement je ne faisais…rien. Tout le monde sait bien que la tête dans le guidon, on n’a pas le temps de penser à autre chose. Mais pour peu qu’on S’AUTORISE (j’insiste sur ce mot) à ne rien faire, là on laisse son esprit vagabonder et c’est à ce moment là qu’on a des idées. Enfin c’est comme ça que ça marche chez moi 🙂

      D’ailleurs, Geoffrey, toi qui fait un métier qui demande d’être créatif, comment fais-tu pour avoir de l’inspiration?

      Pardonnez moi pour ce long post, mais effectivement, ce sujet amène beaucoup de réflexion :p

      1. Hello Christophe ! Merci pour ton échange et ton témoignage. En effet, la question de la « créativité » ne trouve pas réponse dans une démarche unique & universelle. Pour ma part, j’apprécie réellement « trouver des solutions » à tout, que ce soit sur des petites choses du quotidien ou des grandes choses de la vie. Mais le design n’est pas du « problem solving » comme je l’entends parfois, il y a de l’art, de la surprise, de la poésie dans toutes les réponses à trouver. J’essaye donc de cultiver toute cette part au travers de réalisations artistiques, par le dessin, la peinture, l’écriture, la lecture, etc. C’est ce vers quoi je tends.

  4. Bonjour,
    je fais aussi partie de cette ultra-minorité des sans smartphones (pour tout dire, je n’ai même pas de téléphone portable) pourtant je suis, je m’en rends compte en parlant autour de moi, beaucoup plus informé des pratiques numériques, et beaucoup plus conscient de leurs effets, que la plupart des utilisateurs lambda…
    Je crois que cela tient à plusieurs choses : mon métier de bibliothécaire – mais là aussi beaucoup de mes collègues sont soit effrayés, soit hypnotisés par la seule technique – ma passion pour la SF, et mon intérêt pour l’histoire des technologies, deux éléments qui donnent du recul je crois. Non pas que la SF soit une série de prophéties, mais permet d’élargir les possibles, d’être un peu moins surpris quand arrive une nouveauté, d’en voir les implications, comme cet enjeu du temps (de cerveau disponible ?) et des connexions multiples. Un post parle de Descartes, et effectivement il y a des temps ou tout s’accélère. On m’a parlé d’une lettre de Huysmans, alors chef de bureau dans une administration vers 1890, et qui voit avec énervement le téléphone arriver dans les bureaux, et son chef pouvoir le joindre n’importe quand… Le smartphone apporte des dimensions en plus, et Arthur C. Clarke a dit qu’une technologie poussée assez loin pouvait ressembler à de la magie, et je crois que le rapport de nos contemporains à leurs smartphones ressemble à celui d’un magicien avec sa baguette magique, quand il la perd, il n’a plus de pouvoirs… Alors l’ennui oui, à petites doses oui, pour mettre une DISTANCE entre soi et le monde, pour couper un cordon qui pourrait nous étouffer, à avoir l’oeil collé sur le doigt qui montre la lune…


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