[« Dans le carnet de… » est une série d’articles qui vise à explorer les carnets de créatifs, d’artistes, de designers, de bricoleurs, etc. Cette série est une façon de remonter le fil d’une pensée singulière, d’avoir un aperçu vraiment personnel d’une activité créative mais aussi de revenir aux sources de très beaux projets]
Dans le carnet de Arthur !
Arthur Grosjean est directeur artistique depuis de nombreuses années mais je l’ai rencontré en tant qu’enseignant 🙂 Grand pédagogue à l’humour bien pensé, Arthur possède un talent et une passion pour l’illustration ce qui l’a amené à développer un univers personnel, parfois sombre, souvent riche et toujours vivant ! Arthur s’est prêté au jeu sans hésiter lorsque je lui ai proposé de participer à ma série d’articles sur les carnets de créatifs. C’est donc parti pour les questions !
Arthur, dans tes carnets, on dirait qu’il y a deux mondes : celui du dessin et celui du webdesign, du boulot. Comment fais-tu cohabiter ces deux univers ? Est-ce qu’ils interagissent parfois ensemble ?
« Hello, Effectivement il y a 2 univers assez distincts et je dois avouer que je n’arrive pas à les faire cohabiter. Pour le webdesign et le design en général, ce sera surtout de la prise de note pour consigner mes idées et observations. Pour le dessin, je pars d’une 1ère forme et je construis tout à partir du résultat de cette 1ère forme. J’adore ne pas savoir ou je vais et le découvrir au fur et à mesure que je dessine. Ha si ! je peux te donner ma façon de faire cohabiter tout cela ; il s’agit surtout d’avancer tout le temps peu importe le sujet. Par exemple, je ne relis que très rarement mes notes car en écrivant je vais avoir de grands principes qui vont se dessiner dans la tête et je resterais la dessus. Donc comme pour mes dessins, mes notes et griffonnages vont me permettre de débloquer mon petit cerveau. »
Tes armes graphiques semblent être régulières : un carnet de petit format, un feutre (stylo ?) noir, et parfois de la couleur (peut-être de l’aquarelle ?). Peux-tu nous en dire plus sur tout cela ? Quand tu pars en voyage, quels sont les outils minimum qu’il te faut ?
« Réellement, tout ce qui me passe par la main. Je n’ai aucun outil pré-définie. Comme dans mon travail, j’aime m’adapter tout le temps. Je suis incapable d’avoir une ligne fixe, j’adore expérimenter mais je déteste me fixer…Enfin, cela se fait naturellement, d’expérimentation en expérimentation. L’aquarelle par exemple, je l’utilise quand je n’ai pas de roughs ou de crayons de couleurs sous la main. Je me suis d’ailleurs fais remonter les bretelles par des profs à l’époque qui me disaient que je ne POUVAIS PAS utiliser l »aquarelle comme le faisais. Ca m’a vachement bloqué et un jour j’ai décidé de faire comme je le voulais et qu’il n’y avait pas de méthodes à suivre surtout pour un univers personnel comme l’est un carnet. Quand je pars en voyage, c’est sans carnet car il faut que je déconnecte complètement…Par contre, j’aime bien dessiner quand même sur des nappes de bar quand je suis posé. »
Parfois, tu travaille le mot, la calligraphie, le lettrage… Es-tu plutôt du côté du graffiti ou du typographe ? Mêles-tu ce travail réalisé à la main à un travail numérique ?
« Complètement ! surtout pour travailler des logos. Je me suis essayé au graffiti mais plus pour en comprendre les qualités plastiques que par esprit graffiti. Je me suis rendu compte tardivement que la meilleure manière de faire un logo, c’est de commencer par un dessin typo qui applique des règles plastiques qui orientent la démarche créative. On peut raconter pleins d’histoire avec une simple lettre faite à la main. Le coté typographe, je ne l’ai malheureusement pas. En effet, j’ai toujours beaucoup de mal avec la précision, je ne dis pas par la que je suis imprécis dans ce que je fais mais je me sens surtout perdu quand quelque chose est trop propre, trop lisse. Pour moi, le typographe va vraiment faire des « maths » pour obtenir ce qu’il veut et il va prendre en compte un paquets de contraintes qui font la beauté de la typographie. Sur ce point je préfère rester libre. Je te dirais que mon idéal sur la typo sera le travail de Spher du collectif Mercurocrom – Une grande inspiration et une liberté donc. »
On voit aussi au travers de tes carnets le professionnalisme du design web. Tu parles de vision, de marque, de simplicité, de charte graphique… Est-ce pour t’en rappeler ? T’en convaincre ? Pour réfléchir en écrivant ? À quoi te servent ces notes plutôt que des notes rédigées sur ton ordinateur ?
« Alors mes notes….Mes notes… Disons qu’elles me permettent d’évacuer pas mal de bullshit quand je réfléchis à des concepts ou à un sujet. Je vais mettre beaucoup de phrases toutes faites et des notes sans queue ni tête. Dans mon processus créatif, je vais écrire, écrire, écrire jusqu’à ce qu’il se passe quelque chose dans ma tête, une idée qui se forme, un détour créatif… Cette technique marche très bien pour l’instant. Comme je le disais plus haut, je ne relis pas mes notes, ce n’est pour moi qu’un matériel d’épuration de l’esprit. A la fin, ma tête est vidée et il ne reste plus que 2-3 idées qui sont exploitables et bien propres. Etrangement j’aime beaucoup le coté « schizophrène » qui s’empare de moi quand je rouvre des vieux carnets avec pleins de notes car j’ai toujours l’impression que c’est quelqu’un d’autre qui a fait ça. »
Pour finir, tu as développé une série de personnages colorés, avec beaucoup de traits dans un style assez fort. Est-ce une obsession graphique ? Un futur projet dont tu vas nous parler ? Un truc pour te détendre ? 🙂
« Effectivement c’est une obsession chez moi. J’ai une très faible capacité de concentration en général. Ca va très très vite dans ma tête et il n’y a qu’en dessinant comme cela que j’arrive à me détendre et respirer calmement. A la base, ça me vient de mes artistes préférés, Eroné et Amose (du collectif Mercurocrom). Quand j’ai découvert leurs dessins, tellement libres, tellement apaisants, disproportionnés…. J’ai eu envie de faire la même chose. Je n’ai jamais réussi à transformer ce matériel en quelque chose de concret mais je sais que je n’arrive pas à dessiner autre chose quand je prend une feuille. Je n’ai pas besoin de réfléchir, ce sont des formes qui viennent toutes seules et que j’imbrique au fur et à mesure. Le seul objectif c’est de me calmer et me faire arrêter de penser pendant 5 minutes. D’ou ces figures relaxantes, sereines…Quand j’étais plus jeune, j’étais un grand fan de L’ange au sourire de la cathédrale de Reims, je le regardais tout le temps…Ca a du m’influencer sur cet aspect la je pense. Ca représente bien ce que j’ai dans la tête en fait, un joyeux bordel. Egalement, en découvrant les travaux de ces artistes, je me suis rendu compte qu’on pouvait tendre un grand doigt aux règles établies par les professeurs et se libérer de tout cela pour créer son petit monde. Je garde un énorme esprit de revanche sur l’enseignement qu’on m’a prodigué et dans lequel j’ai trouvé des profs complètement « cassants » dans leur enseignement et qui m’ont terriblement bloqué pendant quelques temps sur ce que je pouvais penser ou faire. Regarder le boulot d’autres artistes (autre que les traditionnels …) a été une vraie libération ! Ouais, ce petit monde souriant et apaisant, c’est mon grand doigt d’honneur aux conventions ! »
Pour conclure, si tu avais un conseil / un petit mot / une idée pour tous les gens qui dessinent de temps en temps dans un carnet ?
« Ha ce ne sera pas dur à trouver ça ! J’ai envie de dire « faîtes ce que vous voulez » Le carnet est un espace vraiment unique qui n’appartient qu’à vous. On s’en fiche si ce qui s’y trouve n’est pas fini ou difficile à décrypter. HA et encore un autre mot de la fin, ne cherchez pas à être quelqu’un d’autre que vous même et faire ce que vous avez à faire avec sincérité et bienveillance !Tu m’as donné envie de me racheter des carnets tiens ! »
Merci encore Arthur ! On peut te retrouver sur :
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Takkartwork - ton portfolio : takkartwork.net