Encore réservé aux initiés de l’internet, le concept de neutralité des réseaux (net neutrality), selon lequel on désapprouve toute gestion discriminatoire de la bande passante, deviendra tôt ou tard un concept grand public. Dans ce débat, c’est le cinéma américain, la plus influente industrie culturelle, qui parle haut et fort.
Le président de la Motion Picture Association of America (la MPAA est le plus puissant lobby culturel aux États-Unis) s’est ouvertement opposé à la neutralité des réseaux internet. Dans un discours que l’on peut retracer sur le site de son organisation, Dan Glickman a clairement laissé entendre qu’il faut absolument policer la Toile si l’on veut créer un solide modèle d’affaires de vente en ligne de productions cinématographiques.
«Aujourd’hui, de nouveaux outils nous permettent de travailler avec les fournisseurs d’accès internet afin de prévenir les activités illégales sur la Toile. Or, de nouvelles initiatives émergent à Washington et freinent ce progrès essentiel. Ses défenseurs résument ces initiatives par l’expression «neutralité des réseaux», une expression astucieuse… Mais, au bout du compte, il n’y a rien de neutre à ce titre pour nos clients ou notre capacité à faire de grands films à l’avenir. Une réglementation gouvernementale sur l’internet (permettant cette neutralité) entraverait notre capacité à répondre au consommateur d’une manière novatrice et empêcherait les fournisseurs de large bande de faire face aux problèmes qui sévissent en matière de piratage…»
Réplique des indépendants
«L’IFTA (Independent Film&Television Alliance), écrit-elle, a été sidérée d’apprendre que la MPAA et les six grands studios qui sont ses membres ont entrepris de dénoncer le principe de neutralité des réseaux et ses promoteurs. Notre association est en profond désaccord avec votre position et celle de vos membres.»
D’après l’IFTA et sa présidente, l’enjeu du débat n’est pas tant la mise en place d’une réglementation gouvernementale sur l’internet que la prévention de «la mainmise de grandes entreprises et leur volonté d’imposer leur vision d’une réglementation privée de l’internet au détriment du public».
Est-il besoin d’ajouter que nous ne sommes qu’à l’aube de ce débat opposant les puissants promoteurs de la gestion des réseaux et cette masse croissante de citoyens qui en défendent la neutralité.
On dit souvent qu’il y a un décallage entre l’Europe et les Etats-Unis, alors pensez-vous que ces pratiques vont bientôt arriver sur notre cher continent ?