Aujourd’hui, je prends le pari de partager ma vision de ce que pourrait devenir cette discipline. Bien que cette perspective soit nécessairement partielle, je suis convaincu qu’elle trouvera un écho chez beaucoup d’entre vous.
Pour amorcer ce changement, les designers ont décidé de construire leurs propres structures. Coopératives, réseaux d’entraide, collectifs influents : ces organisations incluent notamment des agents qui accompagnent les jeunes talents dans le démarrage de leur carrière et rappellent les bases essentielles à un public plus large.
Nombre de ces créateurs proposent désormais leurs propres concepts directement au public, simplement parce qu’ils ont perçu une opportunité. À travers ces œuvres, ils expriment leur vision du monde, leurs intentions, et leurs désirs, que le public adopte ou non. Certains de ces concepts rencontrent un tel succès qu’ils deviennent des références dans le milieu.
Bien que ces designers reçoivent parfois des contributions financières de leurs utilisateurs, la majorité de leurs revenus provient désormais de collaborations avec des institutions. Cependant, le rapport traditionnel client/prestataire a évolué : les designers sont désormais sollicités pour leur vision, qui résonne avec celle du commanditaire, et cette symbiose donne souvent des résultats remarquables. La confiance est devenue la clé de ces collaborations fructueuses, ce qui peut paraître surprenant.
Cette transformation a commencé lorsque les designers ont décidé de reprendre la maîtrise de leur discipline. Après des années à se plier aux exigences du management et du capitalisme, beaucoup ont choisi de tourner le dos à ce modèle, non pas pour abandonner leur métier, mais pour explorer de nouvelles directions.
La première étape a consisté à repenser l’éducation. Collectivement, les designers ont entrepris une refonte en profondeur de leur pratique, redéfinissant les concepts et les principes fondamentaux du design. Ils ont abandonné la logique du design moderne, qui visait principalement à réduire les efforts pour maximiser les profits, et ont rejeté de nombreuses innovations technologiques présentées comme des moyens d’accroître la productivité. Désormais, la qualité et le temps long priment sur la quantité.
Aujourd’hui, faire appel à un designer ne se résume plus à résoudre un problème ou à produire un objet, mais plutôt à concevoir des visions et des récits qui incarnent l’identité d’un lieu ou d’un événement, créent des liens au sein d’une communauté, ou favorisent l’autonomie d’un groupe. Les designers ont retrouvé leur polyvalence, passant du graphisme à l’aménagement d’espaces, voire à la création de systèmes d’interfaces. Ils sont redevenus des artisans autant que des concepteurs, capables de matérialiser leurs idées eux-mêmes. Le designer n’est plus un simple exécutant, mais un créateur complet, qui prend en charge, seul ou en équipe, l’intégralité d’une vision.