L’interview du soir pour vous détendre de la journée de boulot
Lorenzo Soccavo, prospectiviste de l’édition analyse les perspectives de ce nouveau support et évalue les menaces de piratage
Céline HOYEAU: A quelle échéance, selon vous, le marché du livre numérique va-t-il décoller ?
Lorenzo Soccavo : Les ventes d’e-books sont encore marginales, mais c’est un marché émergent. Il faut attendre d’avoir des terminaux de lecture plus flexibles, couleur, qui communiquent entre eux, et que les prix baissent. Il faut que la production de masse s’accélère.
En France, les principaux acteurs, Hachette, Editis, Gallimard, contrôlent tout le circuit et ont intérêt à ne pas muter trop vite. Ils doivent d’abord se réorganiser. Mais ça peut aller très vite. De même qu’on a tous un téléphone portable aujourd’hui, on aura tous un e-book dans la poche d’ici à 2015-2020…
Comment les professionnels de l’édition peuvent-ils affronter la menace du piratage ?
Pour l’instant, ils font comme les secteurs de la musique et de la vidéo, en essayant de se protéger avec des dispositifs de DRM (lire les repères) comme pour les CD de musique. Ce n’est pas la meilleure solution. Il vaudrait mieux tirer la leçon de ce qui s’est passé pour la musique.
Le piratage n’est pas une mauvaise chose, il montre l’intérêt des lecteurs. Aujourd’hui, le secteur de l’édition reste dans la logique du DVD avec les bonus : l’interview de l’auteur, la musique qu’il écoutait en écrivant son livre… Il faut aller plus loin.
Pour l’instant, le papier électronique permet encore peu l’interactivité. L’appareil Kindle aux États-Unis, lui, est relié par le système de téléphonie 3G : grâce à une adresse mail dédiée, les lecteurs peuvent communiquer entre eux, échanger des livres. Il faut faire jouer l’aspect communautaire.
Quand on est passé du rouleau au codex, on a innové, on a inventé les tables des matières, les index, les notes de bas de page… Il ne faut pas rester sur ses positions mais tirer profit de ce qui existe et aller de l’avant.
Les auteurs pourront-ils se passer des éditeurs et publier directement leurs œuvres sur la Toile ?
Beaucoup de petits prestataires comme Lulu.com le font déjà. Mais je ne pense pas que cela se généralisera. Ça vaut pour un auteur qui vit déjà de ses livres, mais les autres vivent surtout des avances des éditeurs, et ne peuvent pas se couper brutalement d’eux, ni se fâcher avec les libraires. En revanche, à très long terme, quand l’économie du livre aura vraiment muté, on peut penser qu’alors, effectivement, un auteur à succès pourra vivre en indépendant total.
Recueilli par Céline HOYEAU
via lacroix