Hier soir, je tombais sur ces prédictions d’Isaac Asimov datant de 1964, où il imaginait le monde de 2014. En tant que designer, ce qui me questionne en les lisant, c’est moins la justesse de ses prédictions que leur esthétique implicite. Quand Asimov décrit des « panneaux électroluminescents » qui feront briller murs et plafonds en « diverses couleurs changeant d’un bouton », il dessine en creux tout un imaginaire visuel des années 60… Cette époque rêvait d’un futur lisse, coloré, automatisé… Un futur qui ressemble finalement plus à une publicité qu’à notre réalité d’aujourd’hui.

Ce qui me trouble, c’est que beaucoup de ses prédictions se sont réalisées mais sous des formes visuelles complètement différentes. Les « écrans muraux » et les « cubes transparents pour la vision tridimensionnelle » existent, mais ils sont noirs, plats, discrets. Nos interfaces privilégient le minimalisme là où Asimov imaginait de la couleur et du spectacle. Je me demande donc si nous avons inconsciemment rejeté cette esthétique « futuriste » des sixties… ou si elle nous semblait simplement trop visible, trop présente, trop prévisible ?

Asimov prédisait aussi que « l’humanité souffrirait cruellement de la maladie de l’ennui » dans notre société de « loisir forcé ». Aujourd’hui, je regarde nos écrans qui clignotent en permanence, nos notifications qui nous sollicitent sans cesse, et je me dis qu’on a peut-être trouvé l’antidote à cet ennui dont il parlait… mais à quel prix ? Un prix terrible puisque le design contemporain cherche sans cesse à nous stimuler pour des raisons économiques, d’emprise et de pouvoir. Une question qui mérite réflexion quand on pense, quand on imagine et surtout quand on devrait inventer nos interfaces de demain.

Pour découvrir ces prédictions d’Asimov dans le texte, c’est sur :https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/books/97/03/23/lifetimes/asi-v-fair.html