Je jette là une réflexion qui m’occupe depuis quelques temps déjà.

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous,  mais à mes yeux, je crois qu’un designer doit concevoir son travail pour son utilisateur. Pour cela, il faut le connaître, embrasser sa culture, son paysage visuel, ses usages, sa façon d’interagir, sa façon de penser, de vivre en société, etc. Pour moi, la représentation graphique du projet naît de la synthèse créative de tout cela. Mais soyons honnête : pas uniquement. Cette représentation naît aussi de cette couleur indigo que j’affectionne en ce moment, de la typo open source très lisible que j’ai mis de côté il y a quelques jours, de la structure en grille très utilisée pour l’adaptation au responsive webdesign, etc. C’est une sorte d’équilibre créatif entre l’autre et moi.

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Processus de design

J’ai tendance à croire, qu’avec tout ceci, je n’ai pas de style à proprement parler même si certains reconnaissent parfois mon travail de part mes habitudes, mes travers, mes défauts aussi j’imagine 😉 Et pourtant, je vois souvent sur Dribbble, Behance, Pinterest ou même Twitter des designers qui publient leurs projets et qui ont une « touche », une « patte », un « style ». Ce style me semble souvent décorrélé du projet et de son pubic. Vous vous en doutez, si je remarque ces designers et leur style, c’est parce que leur travail me plait, qu’il est joli, qu’il me fait rire aussi parfois. Et pourtant, cela me questionne : est-il possible d’appliquer systématiquement un style lorsque l’on fait du design ? Est-ce que toutes les images que je créerai peuvent être en noir et blanc ? Est-ce que je n’utiliserai de toute ma vie que du Papyrus ou du Helvetica ? Est-ce que, peut importe le public concerné, je ferai mes icônes de façon géométrique ? Je vous avoue que cela me perturbe un peu même si j’imagine que les clients viennent voir ces designers qui ont du « style », justement pour cela !

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Style et graphisme ?

Bref, cela fait beaucoup de questions. Les réponses que je trouve dans tout cela sont personnelles et ne tiennent qu’à ma façon de travailler. Autrement dit, je repars de zéro pour chaque projet et j’étudie et analyse systématiquement le maximum d’informations sur les utilisateurs mais aussi sur la structure du projet, son but, ses vertus. De là, j’essaye de faire de mon mieux pour trouver la meilleure « forme », qui corresponde à ce qu’il faut, au ton que j’estime juste » tout en équilibrant avec des choses nouvelles, des choses parfois décalées, qui dénotent, qui changent, qui sont inattendues. Parce que j’aime être surpris, j’essaye de mon mieux de tirer bénéfice de ce désir d’être surpris et de ne pas être ton sur ton. Peut-être au final est-ce ça mon style ?

Et vous, comment ça marche de votre côté ? Est-ce que vos clients viennent vous chercher pour votre façon de dessiner ? Pour votre style graphique que vous vous êtes trouvé ? Ou est-ce qu’au contraire, vous fuyez toute notion de style afin d’éviter de tomber sous le coup de la mode, mode qui elle, ne dure qu’un temps ?




11 commentaires

  1. Peut-être est ce simplement comme tu le dis Geoffrey, une question d’équilibre…
    Pourquoi ne pourrait-on pas adapter son style à un public (souvent multiple d’ailleurs), sans tomber dans l’uniformisation du design ?
    Avoir du style (et pas UN style), c’est sans doute savoir se renouveler en évitant le systematisme.

  2. N’est ce pas là la grande différence entre artistes et designers? Designer = dessiner à dessein. Autrement dit sur commande et souvent appliqué à un produit , une marque, un objet . On va chercher un Designer parceque son travail est beau, créatif et eventuellement un peu différent d’un autre. Pour recentrer un Designer ayant son style (voir meme un style fort) a des chances d’être recruté pour ce qu’il fait (comme un artiste) meme si son style passe de mode quelques mois plus tard. C’est pas donné à tout le monde de rentrer dans l’histoire du design grâce à son style…

  3. Vaste sujet en effet ; je crois qu’il faille se renouveler, repartir de zéro à chaque nouveau projet. Une manière d’échapper à une certaine zone de confort et montrer son côté versatile et créatif. Le métier de designer graphique est avant tout de répondre à une problématique et trouver des solutions qui fonctionnent pour son client, style ou pas style.

  4. « Peut-on être designer et avoir un style ? » Je répondrai : oui.
    Comme vous le soulignez : « … sa culture, son paysage visuel, ses usages, sa façon d’interagir, sa façon de penser, de vivre en société, etc. » Cela met en relief l’unicité de l’individu.
    Le style du Designer peut transparaître plus ou moins « ouvertement ». Cela dépend considérablement du type de travail à réaliser. Mais pas que : son état émotionnel, ses grandes figures qui inspirent, sa sensibilité à s’imprégner des créations de ses pairs… peuvent rentrer en ligne de compte. Plus d’autres aspects que vous avez évoqués plus haut.
    Tel un sportif qui possède les fondements pour exécuter les mouvements de manière optimale pour atteindre son objectif. Chaque sportif a cependant son propre style pour produire ces mouvements.
    Cela appuie le caractère singulier de chaque personne.

  5. Pour moi un designer est un artisan. D’après wikipédia : originellement, l’« artisan » est celui qui met son art au service d’autrui. Je trouve que cela résume assez bien la question. Un designer a forcément un style particulier, des préférences, des inspirations, mais il réfléchira son design, quel qu’il soit, toujours en fonction des besoins du client, à l’inverse de l’artiste qui travaille plus pour lui même ou pour faire passer un de ses messages.

  6. Bonjour Geoffrey,

    Voilà ma petite contribution.

    Certes un designer graphique doit d’abord comprendre la « culture » (cf. la définition de l’Unesco) de son commanditaire, pour pouvoir faire passer correctement son message auprès du public concerné. Pour simplifier, il doit savoir parler français à des Français, savoir parler japonais à des Japonais, etc. Car je partage la vision de Cassandre selon laquelle le designer graphique est le transmetteur d’un message, le commanditaire étant son émetteur, et le public son récepteur.

    Seulement, si chaque commanditaire à une culture propre, liée à son activité, chaque designer a également la sienne, qu’il développe au fil du temps. Un peu comme un comédien, le designer graphique lit un texte qui n’est pas de lui, mais utilise ses propres intonations, son propre accent, parfois même des synonymes plutôt que les mots d’origine, sans jamais changer le fond du message. Il se l’approprie pour l’interpréter, pour lui fait prendre corps et pouvoir le transmettre au public de la façon qu’il lui parait la plus juste, mais il ne lui appartient pas.

    Pour en revenir à ton interrogation, je pense que le « style » fait davantage partie de l’aspect créatif de notre métier que de son aspect technique. Chaque créatif a un style qui lui est propre, comme chaque personne a une voix qui lui est propre. Il y a parfois des voix qui se ressemblent, parce que deux créatifs se nourrissent des mêmes choses, ont la même sensibilité, etc. C’est d’ailleurs pour cela, à mon sens, qu’il existe potentiellement autant de bonnes réponses à une commande qu’il y a de designers graphiques.

    1. Bonjour Hugo.
      Un petit complément concernant A.M CASSANDRE.
      Il ne parle pas de designer graphique stricto sensu, mais d’affiche, d’affichiste, et ce, à travers la peinture.
      Le champs d’expertise et d’intervention du designer graphique est beaucoup plus large.
      Je ne suis d’ailleurs pas tout à fait d’accord avec lui quand il écrit « … on ne lui demande pas son avis…», c’est à priori là qu’intervient son style justement, et on peut nier à Monsieur Mouron le sien 🙂
      Quant à ne pas pouvoir s’exprimer en elle, ni en avoir le droit, les choses ont beaucoup changé depuis les années 30 je crois… Les Polonais, entres autres, sont passés par là 😉

      Citation (tirée de « Notes – 1935 »
      « […] « L’affiche exige du peintre un complet renoncement. Il ne peut s’exprimer en elle ; le pourrait-il, il n’en aurait pas le droit. La peinture est un but en soi. L’affiche n’est qu’un moyen de communication entre les commerçants et le public, quelque chose comme le télégraphe. L’affichiste joue le rôle du télégraphiste : il n’ émet pas de messages, il les transmet. On ne lui demande pas son avis, on lui demande d’établir une communication claire, puissante, précise. Sans doute s’agit-il d’un message plastique. Mais si l’affichiste emploie les moyens du peintre, ils cessent d’être pour lui moyens d’expression individuelle, pour devenir langage anonyme, une sorte de code international, l’alphabet Morse du télégraphiste. » […] »

      1. Salut B# !
        je ne partage pas non plus toute son analyse, qu’il faut replacer dans son époque et son contexte, mais il me semble qu’il pose des bases intéressantes encore aujourd’hui. Bien sûr, le design graphique, son rôle et même son nom, ont largement évolué depuis Cassandre – avant aussi, et pendant, mais dans d’autres pays – son champ d’expertise s’est élargi petit à petit, mais la position du designer qu’il propose me semble pertinente. Ce qui, pour en revenir à la question du « style » qu’aborde Geoffrey, permet simplement d’expliquer en quoi la culture, et donc le style, d’un designer est important dans un processus de commande selon moi. Et c’est là que je ne suis plus d’accord avec le texte de Cassandre qui, soit dit en passant, me semble quand même vachement teinté d’amertume et de résignation.

  7. Je pense qu’un designer peut même faire une recherche sur une banque d’image avec style 🙂
    Le style n’est pas forcement dans la production mais dans le regard.


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