La semaine dernière, toujours en confinement, j’ai pris deux jours pour réfléchir à un projet photo à la maison, qui lierait la notion de respiration avec la notion de souffle intérieur. Alors, j’ai pris des petites figurines, mon appareil photo et j’ai complété le tout avec un texte. Ça n’est pas grand chose, je sais aussi que des artistes ont déjà travaillé avec ce genre de techniques, mais je voulais m’y essayer. Alors je vous partage. Tout simplement.

« Dans son usage historique et spirituel, respirer est le fait de revenir à la vie, de reprendre courage (pensée hébraïque de la fin du XVe siècle). Ainsi, ce qui souffle et tout ce qui respire en général possèderait un esprit, une âme. Au travers d’un regard plus contemporain, l’âme est un concept malmené par la modernité, la science et la croissance. Comment un être fini, limité dans le temps et l’espace pourrait posséder quelque chose de plus grand que lui, qui le dépasse ?

À cette question, de nombreux philosophes ont tenté d’y répondre. Aristote dans « De l’Âme », différencie le corps et l’âme en les rendant inséparables. Descartes quant à lui dans « Discours de la méthode » affirmait qu’il était plus aisé de connaître son âme que son corps puisque l’âme forgerait ce que l’on est. Nietzsche dans son inénarrable ouvrage « Ainsi parlait Zarathoustra » définissait avec simplicité et précision le fait que l’âme n’était qu’un mot désignant une parcelle du corps. Enfin, ajoutons à cela cette citation de Cioran, auteur que j’affectionne particulièrement, nous invitant à percevoir le lien entre le corps et l’âme : « La pâleur montre jusqu’où le corps peut comprendre l’âme. »

Si dans la philosophie les définitions sont nombreuses, il est un domaine dans lequel l’âme transparaît sans effort. Il s’agit de la photographie, art majeur qui effrayait à ses débuts puisque certains lui prêtaient la faculté de se saisir et de voler notre âme. C’est d’ailleurs au XIXe siècle, à l’ère Victorienne, qu’en Angleterre puis en Europe et en Amérique du Nord que se développa la photographie post-mortem pour envelopper le dernier souffle et donc l’âme des défunts.

En 2020, le monde n’a pas tant changé. Nous voilà aliénés, non plus uniquement à notre travail comme Marx pouvait le définir au XIXe siècle, mais à nos espaces de vie, comme s’ils nous possédaient. Étranger à nous-même, nous découvrons notre corps contraint et notre âme libérée. Certes, nous n’avons pas accès constamment à l’air extérieur, mais nombreux cherchent leur air intérieur, tentent de s’observer, de se re-posséder.

Nĕshamah est un projet photographique qui fait écho à cette pensée. Réalisé dans cette période de redécouverte, ce projet offre une respiration d’intérieur, puisée dans le minuscule et le contraint tout en cherchant à le dépasser, à offrir une âme à des êtres en apparence inanimés. »

Si ça vous tente, je continuerai sûrement à publier d’autres de ces photos sur mon Instagram !




4 commentaires

  1. cher Geoffrey, j’adore cette poésie, si efficace, non intrusive (le contraire de la pub qui me convoque, vous, invitez, avec une certaine douceur.
    merci

  2. Geoffrey,
    ça fait un moment que je ne suis pas venu sur ton site,… à tord bien entendu.
    Un ami m’a fait une piqure de rappel car lors du premier confinement j’ai eu une démarche voisine de la tienne.
    L’intérieur contraint nous enjoint à l’intériorité. Ne pas pouvoir regarder loin nous incite à prêter attention au plus près. D’y découvrir de l’insoupçonné, y redécouvrir de l’oublié. Il s’agit aussi pour moi d’avoir du temps, de savoir le prendre pour redonner du pouvoir à la main. Modeler, peindre,…
    https://olivierdamiens.myportfolio.com/pititoos

    Pour enrichir ton propos, tu le sais, mais juste pour rappel : étymologiquement photographier, c’est écrire avec de la lumière. Ca ouvre beaucoup de perspectives de réflexion !


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