Il y a quelques jours, j’accédais à ce document qui n’est autre qu’un rapport du Ministère de l’Éducation Nationale à propos du design et des métiers d’art. Bizarrement, ce document a été mis en ligne puis assez vite retiré du site du Ministère. Ce rapport pointerait apparemment toutes les incohérences dans l’enseignement du design (et il y en a apparemment beaucoup), il précise également que l’État a beaucoup de « ménage » à faire, notamment au sujet des différents niveaux de formation des BTS ou des DSAA qui ne respectent pas les normes européennes du LMD (licence master doctorat).

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Pour l’instant, je suis en pleine lecture (il y a 181 pages!) mais je commence à découvrir les conséquences qu’ont les cursus inégaux (BTS, DSAA, MàNAA, DNSEP, etc.) sur les métiers qui en découlent et sur les salaires des jeunes professionnels. Sur le fait aussi que de nombreux étudiants doivent compléter leur cursus de 4 ans avec une année à l’étranger pour obtenir un Master. Le rapport précise aussi que ce non respect des accords de Bologne a des conséquences assez difficiles pour les étudiants diplômés.

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Présentation du rapport

Le design et les métiers d’art font partie des « industries créatives » (ICC) dans la terminologie européenne qui représentent aujourd’hui près de 2,6 % du PIB européen et ont un taux de croissance supérieur à la moyenne. Le chiffre d’affaires du design en France est estimé en 2010 entre 1,9 et 3,4 milliards d’euros.  Le nombre de designers exerçant leur activité à titre principal se situe, en 2010, entre 30 et 33 000, l’effectif total concerné par l’activité design étant estimé entre 46 et 56 000 personnes, dont 50 % intégrés dans des entreprises et 50 % indépendants.

Le design n’est plus une question de forme et d’esthétique

Depuis « l’esthétique industrielle » de l’après guerre, le design a gagné tous les domaines de la relation entre l’homme et la machine, entre l’homme et son environnement. Centré davantage sur l’utilisateur que sur l’objet, le design s’est étendu à des méthodes de management avec le design Thinking, aux sciences de la conception. Touchant des domaines aussi divers que les nouvelles technologies, l’éco-développement, les politiques publiques et sociales, il est par essence pluridisciplinaire, polysémique et intégrateur. Le design s’est imposé dans la société civile à la croisée entre l’art, la science, la technologie, les humanités numériques et il est en totale connexion avec le monde d’aujourd’hui dans sa réalité concrète et économique. Il a sa place au MIT à Stanford et dans tous les grands établissements qui pensent et préparent l’avenir de nos futurs modes de vies, « villes connectées », « prothèses intelligentes », « supports numériques » etc. La légitimité d’une recherche en design aussi bien dans les écoles d’art, à l’université que dans les écoles d’ingénieurs ou de commerce ne devrait plus être sérieusement contestable.

[Rapport] Design et métiers d’art par le Ministère de l’Éducation Nationale

[ Télécharger le PDF en intégralité ]

Bref, si vous êtes enseignant, intervenant en école de design, directeur, ou étudiant, jetez un œil à ce rapport car il soulève beaucoup de questions et rappelle aussi le fait qu’une réforme intelligente des écoles de design serait nécessaire pour assurer un enseignement moins inégalitaire et des diplômes qui « valent » quelque chose également en dehors de nos frontières.




9 commentaires

  1. merci pour le lien. Il y a un réel décalage entre les métiers, les attentes et la forme d’enseignement aujourd’hui. Déjà, il y a 10-15 ans le cursus « éduc-nat » semblait obsolète et ne tenait que par la réputation historique des écoles.

  2. Le probleme de l’education nationale c’est qu’elle pense son enseignement supérieur comme le bac. Les enseignants sont polyvalents, enseignent l’histoire du graphisme et le graphisme et la technique, la théorie de la comm et la publicité… Pas de spécialisation des enseignants comme dans les écoles d’arts. Alors oui il y des choses à changer, mais je ne suis pas sûr que ça se fasse de la bonne façon… Quand je regarde la réforme qui s’est faite dans les écoles d’arts je ne suis pas sûr que cela se soit fait bien.
    L’université via l’aeres (qui a changé de nom depuis comme pour cacher ses saloperies) a mis un gros fistfucking et beaucoup d’écoles ont fermé et continuent de fermer (valenciennes, angouleme,,,).désengagement de l’état, autonomie fiancière inféodée aux politiques electoralistes locales et court-termistes, les ecoles d’arts ne recrutent plus que des thesards, où sont les artistes? Encore une fois ce que veut faire l’etat ce sont des économies (d’echelle) et se deésengager financierement… Ne vous trompez pas, c’est une restructuration economique, et c’est laisser la place à l’enseignement privé « hors contrat » (pour quelle legitimité?)

  3. @Mrbbp : « Pas de spécialisation des enseignants comme dans les écoles d’arts.  » Ça n’est pas tout à fait exact. Pour être enseignant dans les filières supérieures de design nous (je suis enseignant en BTS Design Graphique Médias Numériques) devons postuler pour des « postes à profil » (design de produit, design d’espace, design graphique, …). Bien sûr, nous devons être titulaire du CAPET ou de l’agrégation, mais ça ne suffit pas. Nous devons faire preuve de notre intérêt et de notre aptitude pour le domaine (et l’option) choisi. Bien sûr ça ne suffit pas à faire de nous des professionnels dans ce domaines. Néanmoins, certains professeurs peuvent être d’anciens professionnels reconvertis, ou exercent une double activité (cas toutefois beaucoup plus rare).
    Je suis toutefois d’accord sur le constat du manque de lien avec le monde professionnel et sur la baisse des moyens consacré à cet objectif ces dernières années. Et j’en profite pour remercier les professionnels qui nous prêtent main forte en intervenant dans nos établissements pour des tarifs qui frisent le bénévolat (dont je crois savoir que Geoffrey a pu faire parti ?). Moi j’ai souvent eu recours au podcast de Walking Web (;-) ) pour contextualiser un peu certaines notions avec mes étudiants !
    @ Damien Henry : Comment juger qu’un cursus est obsolète ? Au fait que les étudiants trouvent (ou pas) un travail à la sortie ? Je ne suis pas mécontent de l’évolution de mes étudiants. Il faut néanmoins ajouter qu’elle dépend aussi beaucoup de leur motivation une fois le diplôme en poche. Les plus mobiles, ceux qui sont prêts à aller faire leurs premières armes à l’étranger ont des cursus intéressants. Le fait qu’ils soient obligés de partir ne me semblent pas relever de notre responsabilité mais plus du marché de l’emploi en général. J’ajoute que le BTS est beaucoup moins professionnalisant aujourd’hui qu’il ne pouvait l’être par le passé : je constate qu’en particulier dans le secteur numérique, nous restons une phase de découverte et d’orientation ! Certains étudiants se dirigent ensuite vers la vidéo, d’autres vers l’UI, d’autres choisissent de se perfectionner en code, … Et nous servons aussi beaucoup de préparation à certaines écoles comme les Gobelins. Enfin, si la réputation joue un rôle trop conservateur, ils ne tient qu’à ceux qui s’y fient de donner leur chance aux autres filières !
    @ Geoffrey : il y a effectivement un gros problème d’équivalence entre les diplômes français et le cycle LMD qui a deux conséquences. D’une part nos étudiants ont des difficultés à valider leur niveau à l’étranger. D’autres part, les étudiants étrangers ne sont pas incités à venir chez nous (surtout si on ajoute l’illisibilité de l’offre / des multiples sigles). Et il y a d’autres conséquences : le design français est considéré comme un SoftPower (…). MAIS, le ministère travaille dessus. Le cursus est en passe d’être restructuré (on nous parle de la rentrée 2018). Je pense qu’il faudra mesurer l’engagement de l’état à la faveur de cette évolution (qu’elle soit positive ou négative !)

    Ouf !
    🙂

    1. @nico_gee, je vais préciser: un enseignant en bts, enseigne la pub, l’histoire du design graphique, la culture typo, connait les logiciels de mise page, de vidéo, de trucage, de code… Il doit jongler sur tous les tableaux, théorie et pratique. Il est polyvalent et donc par humanité juste moyen partout avec éventuellement une petite spécialité en peinture sur dé à coudre ou mécanique ondulatoire… Un enseignant en école d’art est recruté en graphisme, pas en théorie des couleurs, ni histoire des arts, il est spécialisé. Qu’il aie ou pas travaillé dans la vrai vie, c’est une autre histoire. Un bon enseignant de l’educ nat est un ingénieur en pédagogie et ça vaut sa pepite mine de rien.

      1. Et effectivement la réforme devrait (ou pas) permettre de relativiser des enseignements qui n’ont pas de réalité économique hors de la capitale… Surtout de teinter les formations un peu plus en fonction des micro equipes (stables ou pas).. Y a pas de directeurs des études (garants d’une ligne « éditoriale » et d’un projet pédagogique) dans les cycles arts appliqués… Peut etre ça manque aussi… Et que la réforme n’amenera pas.
        Ou alors le gouv dynamite son enseignement design supérieur pas rentable pour abandonner le bébé au privé hors contrat (y a du très bon, comme du très mauvais aussi mais là il ne sera plus responsable)…


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