Derrière ce titre, il y a une question qui m’anime depuis longtemps en matière de numérique : comment utiliser les outils que j’ai à disposition, à ma manière de créer ? Depuis mes études en design, j’ai toujours eu un rapport décalé à l’outil de création. Lorsque j’étais étudiants aux Beaux Arts (avant de l’être aux Arts décoratifs de Paris), le simple fait d’utiliser un fusain pour un projet, me poussait à explorer les potentialités de l’outil de manière classique et académique, puis de trouver ma propre manière de le faire, une manière parfois décalée ou singulière. Ça a été pareil pour les objets numériques (exemple avec les imprimantes laser que j’utilisais discrètement en classe pour imprimer sur du tissu, les claviers USB que je démontais pour en faire des instruments de musique, etc.), ou encore lors de mon apprentissage du code HTML (je bricolais des outils web alors qu’il était, à l’époque, plus classique de créer des sites vitrines). J’ai aussi fait cela avec les réseaux sociaux (par exemple, j’ai attendu d’avoir une véritable idée pour utiliser Instagram en me lançant un challenge de faire un dessin par jour par exemple). Certains diront que cela vient peut-être de ma passion pour le hacking, le détournement ? 😉

Bref, aujourd’hui, je m’amuse comme tout le monde avec les IA mais faire de jolies images réalistes « à la manière de… » ne m’intéresse pas plus que ça. Alors j’ai creusé, testé, bidouillé et je voulais vous montrer 3 exemples sur comment j’ai intégré l’usage de l’intelligence artificielle dans mon travail de designer graphique. Ça ne sera pas « bling bling » ou « impressionnant » car je crois que j’ai passé le cap de la fascination pour ces millions d’images générées toutes plus esthétiques les unes que les autres. Pour info, j’utilise Midjourney car pour l’instant c’est le meilleur outil pour ce que j’ai à faire 🙂

1. Pour créer des pictogrammes

Là, c’est l’usage qui me sert peut-être le plus : créer des pictogrammes avec Midjourney est une façon différente de représenter des concepts. Actuellement, je dessine souvent moi-même mes pictogrammes (ça va plus vite), ou alors j’utilise NounProject (pour lequel je paye un abonnement). Avec Midjourney, j’arrive à créer des bibliothèques de pictos apparentées à un univers. Évidemment, je les retravaille sur Illustrator, en vectoriel, je corrige les courbes, je passe tout en noir et blanc ou en couleur. J’apprécie aussi pouvoir utiliser Midjourney dans sa version dégradée. Je m’explique : avant d’avoir l’image ultra détaillée et réaliste, Midjourney génère des images un peu floues, avec moins de détails. C’est l’idéal pour moi et pour ce travail de pictogrammes. Voici quelques exemples retravaillés :

2. La création de photomontages.

Pour certains clients, je crée des affiches, bannières, et autres outils de communication visuelle. Et parfois il me faut faire des montages photos ou des prises de vue que je viens retoucher ensuite sur Photoshop. Avec Midjourney, je peux créer plus simplement ces visuels, et même si leur esthétique ne me plait pas de prime abord, je les retravaille bien évidemment. Là encore, je ne cherche pas à donner au client une image toute faite venant d’une IA puisque je trouve que ces images ont l’odeur du cerveau de machine… vous savez l’odeur du style illustré-science-fiction-ultra-détaillé-avec-une-ambiance-un-peu-gênante et qui devient, par la force des choses, le cliché et la caricature baroque des images générées par des IA. Alors ci-dessous, voici des visuels réalisés pour le Parti Pirate avec qui je travaille. Visuels dont j’ai généré la base graphique avec une IA puis que j’ai évidemment retouché sur Photoshop et retravaillé.

3. Pour créer des images-valises.

Vous connaissez forcément les mots-valises. Ce sont des mots qui sont formés par la fusion d’au moins deux mots existants pour en créer un troisième comme par exemple cuichette, alicament, motel, infox, franglais, etc.. Et bien, ce principe, je l’applique sur mes créations d’images depuis des années pour réaliser des affiches, que je publie notamment sur https://Jaffiche.fr. Par exemple, j’ai recréé le logo de total pour lui donner une forme d’avion, j’ai fait cette affiche avec un hockeyeur devant une nasse de CRS (pour jouer au « Hockey sur Nasse »), j’ai créé cette légion du déshonneur, etc.

Ces affiches ne sont pas créées par des IA car je suis bien trop attentif aux détails et j’aime faire les choses moi-même. Cependant, j’aime utiliser l’absence d’intelligence… de l’intelligence artificielle pour savoir comment elle interprète un sujet. Pas plus tard qu’hier je lui ai demandé de me dessiner un cocktail molotov. Et bien, comme elle est un peu bête (#team1erDegré), elle m’a dessiné la représentation d’un cocktail avec des flammes dessus. Cela m’a interpelé car j’interprète cette forme de verre comme un cliché issus des objets de la bourgeoisie alors que le cocktail molotov est justement là pour détruire la bourgeoisie et les symboles de domination et du capitalisme. Bref, d’une interprétation par une IA, il est possible ensuite de trouver un fil graphique pour en faire une affiche, comme ça, en me laissant surprendre ! Voici donc ci-dessous un exemple d’image-valise dont la base a été générée avec Midjourney et pour lequel j’ai repris la finalité conceptuelle mais avec mon univers graphique.

L’affiche est publiée sur Jaffiche.fr

Conclusion : ce qui ne marche pas encore (pour moi)

En conclusion, l’Intelligence Artificielle (et plus précisément Midjourney) est, pour moi, simplement un surprenant outil de créativité supplémentaire que j’apprends à utiliser. Cela ne remplace pas mon travail d’idées, de revendications, de message politique ni non plus mon travail de composition typographique, de micro et macrotypographie, de création de logo (avec une forme / contreforme, un concept, avec un choix de typo en fonction de son histoire, de son contexte etc.), ni la relation que je peux avoir avec un client sur ses enjeux, ses envies, ses projets, sa vision. Au contraire, je présente l’outil aux gens avec qui je travaille tout comme j’explique depuis des années, quels sont outils avec lesquels je travaille comme inDesign, le code, Illustrator, etc. Il est important pour moi que les gens avec qui je travaille connaissent les outils avec lesquels je travaille. Enfin, les IA ne me sont pas encore très utile en matière de design d’interface, quand je crée des sites web ou des applications puisque ces outils n’ont aucune notion d’ergonomie ni d’originalité. J’ai déjà essayé et je me retrouve avec des clichés de mockup inspirés de Dribbble et plein de mauvais goût.

Mes prochaines explorations porteront sur des domaines qui m’étaient jusqu’alors difficilement accessible par manque de technique comme l’illustration de petits livres pour enfant et le design d’objet en vue de les modéliser (en 3D) ou de les prototyper (en bois).

Une histoire à suivre donc… 🙂




2 commentaires

  1. Je te rejoins complétement sur le fait de voir l’IA comme un nouvel outil que comme un concurrent.
    Je viens justement de finir un mini projet où le client m’a fourni des visuels de Midjourney comme référence. Eh bien le gain en temps n’est pas négligeable dans la partie pré-projet. Car l’IA va lui sortir plein de props, il sélectionne ce qui lui convient et je fais l’illus à partir de cette base. Ça lui permet de mieux visualiser son résultat ; je bosse beaucoup en isométrie et je commence souvent par des gros blocs et des taches de couleurs, là où moi, je vois l’image finale, le client lui n’a souvent qu’une vague représentation. Avec les props de l’IA il se projette beaucoup plus et je n’ai pas le sentiment de perdre en créativité parce que ça reste quand même très brouillon. Ca m’économise juste des aller-retours.
    Un autre exemple plus concret : je dois dessiner un palmier en iso, forme d’arbre un peu plus complexe que les boules et les cones pour les feuillus et sapins. Midjourney me sort des variations à l’infini et je peux faire choisir au client quelle forme il préfère et ensuite je retravaille à ma sauce sous Illustrator. Là, je gagne du temps et des AR sur des détails de l’illus, merci l’IA.


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